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CHANTS REVOLUTIONNAIRES

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11 décembre 2014 4 11 /12 /décembre /2014 16:39

                                                           MARE-NOSTRUM-copie-1

 

 

Israël entre hystérie et nouvelle fonction dans la guerre contre la Syrie

IsraelSyrie

Dimanche 7 décembre, les commentateurs des « raids israéliens » autour de Damas se sont distribués en deux grands groupes. D’un côté, ceux qui ont tenté de comprendre ce que cela pouvait bien cacher et s’il s’agissait du début d’une nouvelle étape après une période d’accalmie relative de ce type d’agression. De l’autre, ceux qui se sont préoccupés de savoir si la Syrie allait répliquer et comment.

Deux types de questionnement qui méritent analyse et réflexion, à condition d’éviter les surenchères creuses et les tentatives de diabolisation.

Inutile de nous attarder à discuter de la valeur militaire de ces raids. L’opération est « nulle », puisque le réseau de missiles de la défense aérienne syrienne n’a pas riposté et que les objectifs atteints se résument à de vieilles installations vides, facilement et rapidement remplaçables.

En revanche, les raisons politiques méritent explication, ces raids étant inséparables de quatre observations étroitement liées les unes aux autres :

La première observation concerne ce qui se passe en Israël où la discorde gouvernementale en est arrivée à la dissolution de la Knesset provoquant des élections anticipées [1] dans un contexte où la classe politique reste engagée dans l’impasse, que la décision soit en faveur de la guerre ou de la paix ; ce qui fait que ces élections ne changeront rien à la situation, sinon à conduire à encore plus de divisions politiques.

En effet, les décisions en faveur de la paix ont amené Isaac Rabin au pouvoir avec une grande majorité, mais son assassinat a fait échouer la paix. Les Accords d’Oslo ont amené Ariel Sharon et Benyamin Netanyahou et leur échec dans les guerres contre le Liban a amené Ehud Barak sous le slogan du « retrait sur une année ». Mais le retour de Sharon avec le déclenchement de l’Intifada palestinienne a fait tomber cette option de retrait, laquelle aurait limité les dégâts. Sharon n’a pas réussi à écraser le soulèvement palestinien. Et, depuis le retrait de Gaza en 2005 et l’échec de la guerre de Juillet en 2006 [contre le Liban], Israël est incapable de former une direction politique qui porte un projet clair avec les mécanismes appropriés pour le mettre en œuvre.

C’est là où les incursions perturbantes et les menaces pour la sécurité remplissent plusieurs fonctions à la fois. Dans le cas présent, il s’agit d’une fausse promesse de guerre ; d’une image de héros offerte par Netanyahou, lui-même, en vue des prochaines élections ; de lettres de créances présentées aux USA pour un nouveau rôle fonctionnel à l’ombre de la crise syrienne ; d’un message d’inquiétude face au développement des relations militaires entre la Russie et la Syrie, en lien avec la Résistance au Liban ; et c’est, de l’avis même des opposants à Netanyahu avec à leur tête Avigdor Lieberman, une dérobade devant l’échec électoral par la guerre, un fait accompli imposé à la région et au monde, signifiant : « nous sommes dans le pétrin, nous vous y entrainerons avec nous, sauvez nous ! ».

La deuxième observation concerne les discussions en cours entre les États-Unis et la Turquie à propos des deux versions de la « zone de sécurité » [2], à la frontière syro-turque, devenue la condition sine qua non pour la participation du gouvernement Erdogan à la Coalition engagée dans la guerre contre Daech, à défaut d’avoir réussi à imposer son exigence première consistant à renverser le régime syrien.

Une condition turque [zone tampon de 20 à 40 Kms, en territoire syrien, doublée d’une zone d’exclusion aérienne, NdT] qui, de l’aveu même de l’Administration US, risque de mener à une confrontation avec les réseaux syriens de la défense aérienne, voire avec la Résistance libanaise et, peut-être au-delà, avec les forces régionales et internationales soutenant la Syrie.

D’où, pour éviter la crise avec le gouvernement turc, l’alternative US réduisant la dite zone de sécurité à une mince « bande de sécurité » jouxtant la frontière turque, destinée à accueillir des unités armées de l’opposition syrienne prétendument « modérées », soutenues par Washington et Ankara et imposées à la Syrie censée fermer les yeux par crainte de la confrontation.

Un ballon d’essai US ayant récolté des résultats négatifs ; d’une part, suite aux déclarations conjointes de la Syrie et de la Russie affirmant que les frappes aériennes de la Coalition internationale menée par Washington, en territoire syrien, étaient illégales [3]; d’autre part, suite aux déclarations du Président syrien, Bachar al-Assad, se résumant à dire que ces frappes étaient « inefficaces » [4].

Un message signifiant que la Syrie cessera de tolérer ces frappes au cas où l’idée d’une quelconque « bande de sécurité » à sa frontière nord était maintenue. Ce que l’Administration US a parfaitement saisi au point que, pour éviter la confrontation, elle a transféré son idée du nord vers le sud, en confiant la mission à Israël», d’ores et déjà parrain de Jabhat al-Nosra [5][6], organisation terroriste avec laquelle il dispose de « cellules d’opérations communes ».

Une coordination, entre Israël et Jabhat al-Nosra, qui s’est clairement manifestée par des raids israéliens similaires sur le front de Quneitra en mars dernier [7], et par le soutien des services de renseignement israéliens lors des embuscades tendues à l’Armée libanaise à Baalbek.

Par conséquent, ces raids sur la Syrie annoncent l’élargissement de la mission israélienne sur une zone allant de la frontière sud de la Syrie jusqu’à la périphérie de Damas, afin d’y installer une formation armée protégée par Israël.

Ainsi, les USA pourront se concentrer sur leur guerre contre Daech, pendant qu’Israël se chargera de poursuivre la guerre d’usure décidée contre la Syrie.

La troisième observation concerne la géographie des zones ciblées par les raids israéliens du 7 décembre. « Al-Dimas », près de Damas côté ouest, se situe à l’arrière-plan du Qalamoun et « l’Aéroport de Damas » se situe à l’arrière plan des deux Ghouta est et ouest.

Deux régions où il est notoirement connu que les groupes armés vivent une situation désastreuse face aux avancées « dangereuses » de l’Armée nationale syrienne, selon les canaux de ces groupes eux-mêmes et selon les canaux d’Israël, des USA et de la Turquie. Avancées d’autant plus « dangereuses » que l’Armée nationale syrienne progresse aussi sur les fronts d’Alep et de Deir el-Zor, et ne semble pas loin de remporter les mêmes succès à Daraa, à Cheikh Meskin, à Jobar et à Douma.

Par conséquent, les raids israéliens sont venus insuffler une dose de moral aux groupes armés, leur dire qu’ils ne sont pas seuls, tout en leur suggérant qu’il est toujours possible de les couvrir par les airs, de les aider à repousser les attaques de l’Armée nationale syrienne et même de frapper ses quartiers militaires.

La quatrième observation est en rapport avec la situation au Liban où Israël cherche à entrer sur la ligne, mais avec prudence, étant donné les avertissements de la Résistance libanaise depuis sa dernière opération dans les Fermes de Chebaa au Sud Liban [8].

Par conséquent, ces raids israéliens sur la Syrie cherchent à renforcer la ligne de front des groupes armés à Ersal [Liban] et au Qalamoun, en contournant le partage territorial établi entre la Syrie et le Hezbollah, ce dernier se chargeant de dissuader militairement Israël d’avancer dans ses régions.

Mais le Qalamoun étant une région montagneuse où s’imbriquent étroitement le Liban et la Syrie, une telle pression du côté syrien pourrait soulager les groupes armés menacés d’encerclement par la neige et qui ne peuvent espérer leur salut, ni par la terreur qu’ils ont semé, ni par les décapitations successives de soldats libanais, ni par les opérations d’assistance logistique israéliennes ; ce qui explique le recours à ces raids après les succès de l’Armée nationale syrienne, en coordination avec le Hezbollah, contre des positions de Jabhat al-Nosra dans les massifs du Qalamoun.

Pour conclure, les raids israéliens correspondent au début d’une nouvelle étape, mais ne traduisent pas une modification de l’équilibre des forces. Si changement il y a, il serait plutôt en faveur de la Syrie et de la Résistance. Ceci dit, il s’agit de ne pas tomber dans la surenchère et le piège d’une réponse directe et immédiate. La vraie réponse réside dans la détermination de l’Armée nationale syrienne et de la Résistance à purifier tous les fronts, à commencer par Alep, en continuant vers les deux Ghouta et vers le Qalamoun, avant qu’Israël et Jabhat al-Nosra ne réussissent à ouvrir les fronts de Koussaya puis de Arkoub au Liban.

Nasser Kandil

8/12/2014

Source : Al-Binaa

إسرائيل» بين الهستيريا والدور الوظيفي»

http://www.al-binaa.com/?article=22814

Traduction de l’arabe par Mouna Alno-Nakhal pour Mondialisation.ca

 

Notes :

[1] Israël : les députés votent la dissolution du Parlement

http://www.lemonde.fr/proche-orient/article/2014/12/08/israel-les-deputes-votent-la-dissolution-du-parlement_4536892_3218.html

[2] SYRIE. 4 questions sur la “zone-tampon” voulue par la Turquie

http://tempsreel.nouvelobs.com/la-revolte-syrienne/20141008.OBS1501/syrie-4-questions-sur-la-zone-tampon-voulue-par-la-turquie.html

[3] Syrie : Fabius, Lavrov, et les mensonges des médias français

http://www.mondialisation.ca/syrie-fabius-lavrov-et-les-mensonges-des-medias-francais/5417125

[4] L’entretien intégral : Le président syrien Bachar el-Assad reçoit Paris Match

http://www.mondialisation.ca/lentretien-integral-le-president-syrien-bachar-el-assad-recoit-paris-match/5418216

[5] Rapport de l’ONU : Report of the Secretary-General on the United Nations Disengagement Observer Force for the period from 4 September to 19 November 2014

https://drive.google.com/file/d/0B4XISuoPj6voZW1mNk1tSGYwV28/view?pli=1

[6] La guerre continue d’Israël contre la Syrie

http://www.mondialisation.ca/la-guerre-continue-disrael-contre-la-syrie/5418733

[7] Netanyahou: la nouvelle menace vient du nord-est

http://www.i24news.tv/app.php/fr/actu/israel/diplomatie-defense/140318-3-soldats-israeliens-blesses-dans-une-attaque

[8] Opération militaire du Hezbollah contre les soldats sionistes au Sud

http://www.almanar.com.lb/french/adetails.php?eid=195777&cid=18&fromval=1

 

Monsieur Nasser Kandil est libanais, ancien député, Directeur de TopNews-nasser-kandil, et Rédacteur en chef du quotidien libanais Al-Binaa

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10 décembre 2014 3 10 /12 /décembre /2014 15:55

 

                                                                         cerveau animé

 

 

 Colloque « Pour une lecture profane des conflits et des guerres – En finir avec les interprétations ethnico-religieuses »

Samedi 25 octobre 2014


SUBSTITUTION D’UN CONFLIT COLONIAL ET TERRITORIAL EN CONFLIT CONFESSIONNEL : UN BROUILLAGE DE CARTES CLASSIQUE

 

Israël/Palestine : 

le religieux: un marqueur du conflit et ses variables


Pour intervenir sur un sujet aussi vaste, j'ai choisi de mettre en exergue quelques points inspirés par des lectures que j'évoquerai au long de cet exposé. Ces points peuvent se formuler en quatre questions :

 - Sur quels éléments repose le recentrement religieux du conflit ?

 - Que vise la politique israélienne d’aujourd’hui ?

 - Que permet la lecture religieuse du conflit? Je m’appuierai ici sur des paramètres mis en évidence par Georges Corm.

 - Juifs, Arabes ennemis héréditaires ? Ici c'est la lecture d’articles de Gil Anidjar[1] non encore traduits de l’anglais qu’il me semble important de partager.

 

 

1 - Sur quels éléments historiques repose le recentrement religieux du conflit aujourd’hui ?

 

Une très rapide chronologie du sionisme, quelques rappels sur les mouvements palestiniens, l'évocation des pratiques coloniales et leur héritage montrent à la fois la permanence du facteur religieux et ses usages.

Le sionisme s’est forgé comme un mouvement national, colonial, et laïque à l’instar du monde européen qui lui donne naissance. Au milieu du XIXème siècle, l’Etat-nation est le modèle dominant ; les empires coloniaux sont en pleine expansion. Concernant plus particulièrement notre sujet, c’est la prégnance d’une laïcité européenne vécue comme relativement récente, à partir de laquelle va se trouver posé le débat État juif, un État qui s'appuierait donc sur la loi religieuse la Halakha, ou État des Juifs : le sionisme tente ici de différencier judaïsme et peuple d'Israël en faisant de la Bible une lecture sécularisée, livre d'histoire nationale et/ou cadastre.

Le titre original donné par Theodor Herzl à son ouvrage était bien « L’État des Juifs », la traduction française qui n'a pu échapper à l'auteur en a fait l'État juif. Loin de représenter une querelle sémantique, on touche ici à l’objet même du débat. l’ensemble du monde religieux juif de cette époque rejetait l’idée d’un État juif, seul le Messie pouvant donner le pays d'Israël au peuple juif.

 

En réalité le sionisme a négocié avec les religieux : la déclaration d'indépendance d’Israël fait référence aux prophètes mais n’évoque pas Dieu. Pour la définition de qui est juif – condition nécessaire à l'application de la loi du Retour-, le sionisme refuse de s’appuyer sur la halakha . (Pour autant les critères qu'il retient ne sont pas exempts de critiques, ce qui a fait dire à Hannah Arendt qu’ils sont plus proches de ceux des lois de Nuremberg !)

 

En 1947, avant la proclamation de l’État d’Israël, Ben Gourion négocie un « Statu Quo » avec les religieux. Dans une lettre au mouvement religieux orthodoxe, il définit les quatre concessions religieuses qui seront accordées :

 - le shabbat, et non le dimanche, sera choisi comme jour de repos hebdomadaire,

 - la casherout, le respect du casher sera garanti dans les institutions publiques,

 - le statut personnel relèvera uniquement des tribunaux rabbiniques orthodoxes - ce qui par contingence touche à la définition de qui est juif et a des conséquences sur la citoyenneté-nationalité.

- l’éducation religieuse est garantie.

En 1950, sera ajoutée la dispense de l’armée pour les étudiants des grandes écoles religieuses orthodoxes.

En contrepartie, les travaillistes garderont mainmise sur la défense et la politique étrangère. C'est sur la base de ce Statu Quo que le Mafdal[2], Parti National Religieux, a fait partie des gouvernements de coalition de la gauche travailliste de 56 à 77 et plus récemment aussi de gouvernements de droite. En vérité, l’échiquier politique israélien est tel que la marge de manœuvre pour constituer une coalition oblige à la présence de formations religieuses.

Le Mafdal, le parti national religieux, le plus important de l’époque avant de connaître de multiples scissions, obtenait régulièrement entre 10 et 12 sièges au parlement, une représentation qui lui a toujours permis de participer aux différents gouvernements.

 

Alors que c’était la tendance colombe du Mafdal, qui n’était pas hostile au partage de la Palestine , qui avait dominé jusque là, deux tournants datés 1967 et 1977 vont amener les partis religieux, qui étaient soit antisionistes soit sionistes plutôt modérés, à s’orienter vers un messianisme religieux nationaliste

 - La guerre de 67 a ramené Israël au cœur du royaume biblique : en Judée, en Samarie et dans Jérusalem, ce qui le conduira à refuser de restituer les territoires conquis.

Le rabbin Kook, premier Grand Rabbin d'Israël, est celui qui a permis la scission entre sionistes et antisionistes dans les mouvements religieux. Il déclare qu’Israël n’est pas une hérésie, puisqu'il n'est pas le royaume de l'avènement messianique, mais il le définit comme « l’âne du Messie[3] », voulant signifier par cette expression biblique qu’Israël est le moyen par lequel cet avènement se produira. Kook appellera dès lors l’armée « tsva’ot hashem », les armées de Dieu.

Une curieuse relation se tisse alors entre le religieux et le national. Il faut se rappeler Rabin et Dayan sonnant d'une part le shofar* devant le Mur des Lamentations et obéissant de l'autre à l’injonction du grand rabbin d’ôter, pour des raisons religieuses, le drapeau israélien qu'ils avaient fait hisser sur l’esplanade des Mosquées. En effet selon l’orthodoxie religieuse, il est interdit aux juifs de prier sur le Mont du Temple, car on pourrait, sans le savoir, fouler le saint des saints, l'autel où se manifestait à l'époque du Temple la présence divine et où seuls peuvent accéder les grands prêtres Cohanim .

 - En 68 le rabbin Levinger refuse d’évacuer Hébron en déclarant « Nous sommes revenus aux sources du judaïsme », avec les tombeaux des Patriarches – lieu saint du judaïsme et de l’Islam- que des colons avaient investi malgré l’interdiction. Mis au pied du mur, le gouvernement préfèrera préserver sa coalition. Moment symptomatique de l’alliance des travaillistes et des religieux qui se concrétise autour d’un judaïsme messianiste.

 

Palestine colon rabbin cropA partir de juillet 67, c’est la faction ultra nationaliste du Mafdal, « La jeune garde » qui prend le dessus et ce parti devient le parti de la colonisation et de l’annexion de ce qu’ils appellent, non pas le Grand Israël comme le dit la traduction française, mais le pays d’Israël entier, conforme au cadastre biblique.

Cela n'empêche pas le Mafdal de faire partie jusqu’en 1986 de toutes les coalitions avec la gauche sioniste en posant toutefois une unique condition: la tenue d’élections anticipées en cas de négociations sur les territoires occupés.

 

 - C'est l’accession au pouvoir de la droite en 1977 qui marque le second tournant. Elle est le résultat de l’alliance du Likoud et du Mafdal sur la base d’une affirmation renforcée des « droits historiques » et d’une intensification de la colonisation. Le mouvement religieux des colons va se renforcer et donner lieu à l’implantation de colonies qui vont de plus en plus ressembler à (et remplacer) des kibboutz : même nombre de colons, même subventions, même rôle dans les unités d’élite de l’armée …

 Aujourd’hui, ce sont les nationalistes religieux qui sont au pouvoir avec la droite et l’extrême droite, tous partis confondus les partis religieux Shass, Ha bait Hayehoudi et Judaïsme unifié de la Torah ont 30 sièges à la Knesset sur 120. Ils forment ensemble la deuxième force politique d'Israël après le Likoud et l’extrême droite qui totalisent 31 sièges.

La lettre du colonel Winter à la brigade Givati avant qu’elle n’entre dans Gaza cet été donne une idée de la modulation religieux-national: « Dieu nous a choisis pour conduire l’attaque contre l’ennemi terroriste de Gaza qui insulte, blasphème et maudit le Dieu des forces de défense d’Israël ».

 

Tous ces éléments ne changent cependant en rien la définition internationalement acquise d’Israël: État laïque, et démocratique, et même le seul de cette nature au Moyen-Orient … La religion, le religieux, c’est l’Autre.

Les résistances palestiniennes : un double mouvement décolonial

Je m’appuierai ici sur un ouvrage de Rashid Khalidi[4] « Palestine, histoire d’un Etat introuvable » dans lequel il rappelle que pour trois des colonies britanniques -Irlande, Inde, Palestine- on aboutit à des partages sanglants. Au tournant de la Seconde Guerre mondiale, le système colonial était dans l’ordre du diviser. « Les sociétés colonisées sont presque toujours vues sous un angle religieux et communautaire plutôt que sous un angle national, et comme parcourues de clivages internes, profonds plutôt que potentiellement homogènes» - c’est la vision coloniale partagée également par la France. C’est ainsi, comme le rapporte Khalidi, que le premier proconsul britannique décrira l'Égypte, à son départ, comme un « agrégat d’entités ethniques et religieuses, disparates et incompatibles, tout sauf une nation ». De la même manière, ajoute-t-il, les Britanniques choisiront de percevoir la Palestine comme « un pays composé de trois communautés religieuses dont une seule, les juifs, possèdent des droits et un statut nationaux ».

Palestine murhebron2Alors que les Palestiniens chrétiens et musulmans réclament des institutions nationales en s’appuyant sur les promesses d’indépendance et sur l’article 4 de la Charte de la SDN (Société des Nations), les Britanniques vont mettre en place – comme la France au Liban- des institutions musulmanes, certaines inventées de toutes pièces comme le Conseil supérieur islamique, ou la redéfinition du rôle du Mufti de Jérusalem en lui confiant des missions plus importantes dans la gestion de l'Islam qui étaient traditionnellement celles des cadis ou juges sous l’Empire ottoman.

Pour résister, dans toutes les villes grandes et moyennes, les Palestiniens vont créer des associations musulmano-chrétiennes puis un Congrès arabe palestinien. Les grandes figures de la résistance nationale de cette époque sont aussi souvent religieuses, c'est par exemple Azzedine Al Qassam, cheikh religieux qui conduit la révolte des années 30.

 

Dès la fondation de l’Etat, le sionisme conserve cette attention particulière au collectif palestinien, cherchant, comme ses prédécesseurs britanniques, à le diviser sur des bases communautaires, ethniques ou religieuses. A cet effet, des droits particuliers vont être donnés aux Druzes, aux bédouins ; aujourd’hui une loi vient même de créer une nouvelle nationalité « araméenne » destinée à cliver entre Palestiniens chrétiens et musulmans.

Etrange confusion du national, racial et religieux, sur laquelle on reviendra dans la dernière question étudiée, mais aussi redoutable arme de division. C'est ainsi qu'en 1979, le gouvernement israélien autorise le Hamas. Et comme l’indique un rapport français de la DGSE de 2002, repris et commenté par le site Bakchich, cette structure est « reconnue et autorisée par Israël en 1979 » car ce courant religieux est « considéré comme un antidote à la montée du nationalisme palestinien ».

Si l’on considère les trois principaux partis en Palestine aujourd’hui – Fatah, Hamas et Jihad islamique, il est à remarquer que

- le Fatah ne peut être réduit à une composante seulement nationaliste, il a en effet toujours gardé ses références musulmanes et ménagé des places aux chrétiens, il n’est pas un parti purement laïque comme on veut bien l’imaginer ici en Occident.

 

-Originellement issu de la mouvance des Frères musulmans, le Mouvement de la résistance islamique (Hamas) s’implante dans ce cadre en 1973 à Gaza, dans un premier temps sous la forme d’une association culturelle dirigée par feu cheikh Ahmed Yassine. C'est en décembre 1987 avec la première Intifada dans les Territoires occupés que le Hamas annoncera sa création.

PALESTINE HOMELAND DENIED cropDès lors, selon des commentaires de la DGSE française « les Israéliens encouragent le Hamas en tant que pendant religieux de l’OLP [laïque et nationaliste, NDLR] qu’ils veulent « affaiblir ». La stratégie vise à « inciter au conflit armé » entre les deux organisations et « créer ainsi une guerre civile palestinienne ». L’Etat hébreu « commet l’erreur de croire qu’avec le Hamas les Palestiniens seraient occupés à se battre entre eux au lieu de lutter contre Israël », mais les deux camps palestiniens « conscients des visées israéliennes ont tôt fait de signer une charte régissant leurs rapports » fixant des lignes rouges à leurs divisions.

Si la nouvelle organisation à laquelle Israël laisse le champ libre, « se concentre sur les œuvres religieuses et caritatives », elle fonde dans la foulée « son aile militaire les Brigades Azzedine Al Qassam » qui concentre ses activités contre l’occupant. Déclaré illégal par Israël en septembre 1989, le Hamas verra son chef, Cheikh Yassine, assassiné en 2004.

 

-Le Jihad Islamique est formé dans les années 70, mais on considère l’année 87 au cours de laquelle, il va se manifester publiquement en tant que tel comme l’année de fondement du mouvement. Le rôle joué par le Fatah dans sa naissance est analysé dans le livre de Wissam Alhaj, Eugénie Rébillard et Nicolas Dot-Pouillard [5]. Dans un entretien donné sur cette question, ce dernier parle, s’agissant du milieu des années 80, d’une « ambiance islamo-nationaliste». C’est à cette période, dans ce climat, que le Fatah lancera un mouvement appelé les Brigades du Jihad islamique (Saraya al Jihad al Islami plus connu sous l’acronyme Sajah) dirigées par d’anciens officiers militaires de la guerre du Liban issus de l’aile gauche du Fatah.

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2 – Que vise la politique israélienne aujourd’hui ?

 

Le contexte général est celui d’une impasse des négociations, d’un recul global de la sympathie dont jouit Israël, de l’irritation de ses partenaires historiques, du développement des campagnes BDS (Boycott, Désinvestissement, Sanctions), de la qualification de son régime comme régime d' Apartheid, autant de paramètres qui relèvent de la lutte anticoloniale. C'est dans ce contexte que le recentrement du conflit sur Jérusalem peut s'interpréter. Avec ce qu'il permet : l'effacement du cadre politique de l'occupation et de la colonisation, des responsabilités coloniales de l'occupant, la rencontre avec la guerre globale contre l'Islam radical, et donc d'une certaine façon l'internationalisation du conflit au risque d'une déflagration mondiale.

 

On peut même supposer dans une telle attitude, évoquant le complexe de Masada, une forme d'appel au secours inconscient, message subliminal d’une société morbide, qui, prisonnière d’elle-même, demande qu’on arrête sa course folle vers l’irréparable.

 

Palestine affiche Jerusalem couleur 1A Jérusalem aujourd’hui la situation n’est pas sans évoquer celle de 2000. Commençons par rappeler que Jérusalem-Est, la partie arabe de la ville, a été interdite par Yitzhak Rabin à tous les habitants palestiniens de Cisjordanie et ce depuis 1992, soit avant Oslo, une situation qui est restée sans changement jusqu’à nos jours.

En 2000, lorsque l’échec des négociations de Camp David est devenu évident, Ehud Barak soutenu par Bill Clinton soulèvent la question de Jérusalem comme question religieuse, Yasser Arafat refuse de statuer seul sur les Lieux Saints et la Mosquée d’Al Aqsa, les Israéliens disant vouloir garder la souveraineté sur le sous-sol de la mosquée.

Peu après cet échec, la visite de Sharon le 28 septembre sur le Haram el Sharif, l’esplanade des Mosquées, et ses déclarations sur le droit des juifs d’y venir prier, constituent une véritable provocation préméditée qui entraîne le début de la deuxième Intifada.

 

Ce n’est donc pas la première fois qu’Israël tente une redistribution des cartes à partir de Jérusalem, celle de 2000 ne lui avait pas été défavorable : alors que les Palestiniens payaient un lourd tribut, les Israéliens poursuivaient leur politique de colonisation annexion.

Depuis le kidnapping de trois jeunes colons cet été, la situation s’est encore dégradée : rixes incessantes avec la police, harcèlement des Palestiniens dans Jérusalem-Ouest, jets de pierres quotidiens contre le tramway qui relie les colonies à Jérusalem en évitant soigneusement les villages palestiniens, mise en place de check-points aux sorties des quartiers palestiniens, 700 arrestations de Palestiniens dans Jérusalem même, une ville en voie d’épuration ethnique selon un article du journaliste Meron Rappaport. La pire situation depuis 67 résume Fakhri Abu Diab, militant politique, porte-parole des habitants de Silwan, le quartier d’origine d’Abdelrahman Shaloudeh l’auteur de l’attentat à la voiture-bélier de mercredi dernier .

 

Palestine Al AqsaAujourd’hui à Jérusalem on assiste à la fin du statu quo en vigueur jusqu’à présent : aller prier sur l’esplanade des Mosquées n’est plus un interdit religieux respecté, c’est une demande, légitimée par le gouvernement, d’un groupe de colons messianistes qui réclament la construction du 3e temple. Tous les jours, fortement encadrés par la police, ils forment des groupes qui viennent prier sur Al Aqsa, ce qui provoque des heurts quotidiens et même des tirs à l’intérieur de la Mosquée, au seul cri de « Allahu akbar ». Dans le même temps, à l’occasion des fêtes juives de septembre-octobre, les Palestiniens hommes de moins de cinquante ans se sont vu interdire l’accès à la Mosquée cinq vendredis de suite. Au veto juif religieux de prier sur l'esplanade des Mosquées, s'oppose aujourd'hui un projet de loi pour le « partage des lieux saints » et de la mosquée, comme à Hébron sans doute.

 

Le Haram el Sharif, territoire de la Mosquée d'Al Aqsa et, ou, territoire supposé de l’autel sacré du Temple pose de façon emblématique la question du « eux » ou « nous ».

 

Quand la situation politique aboutit à un blocage, son dépassement s’opère ainsi par le religieux. Toucher à Jérusalem, sujet sensible et explosif, met en évidence la politique du pire pratiquée par Israël. Une politique qui, si elle lui vaut l’hostilité du monde musulman, présente l’intérêt majeur pour les Israéliens d’obliger le monde « occidental judéo-chrétien » à se mobiliser…Indubitablement une façon de rapatrier le juif dans l’Occident.

Il faut garder en mémoire les paroles de Salman Masalkha, un poète palestinien, dans une tribune publiée dans Haaretz il y a quelques jours : « L’occupation internationale de la Palestine : il est temps d’appeler un chat, un chat, ce n’est pas seulement une occupation israélienne – c’est une occupation occidentale ».

 

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3. Que permet la lecture religieuse de ce conflit aujourd’hui ? 

 

Pour traiter cette question, je me réfère à l'analyse de Georges Corm et à son ouvrage « Pour une lecture profane des conflits »[6] qui a donné son titre à ce colloque. Je présente donc ici quelques éléments essentiels qu 'il met en évidence.


- La lecture religieuse est l’affirmation essentialiste des causes d’un conflit –facteur unique, en général religieux ou ethnique ( c'est moi qui souligne)- devant lequel il faut rétablir – et c’est une nécessité- une connaissance des causes réelles qui ont leurs racines dans l’histoire des différentes sociétés – une histoire toujours complexe et qui, pour rendre compte des conflits, ne se prête à aucune simplification.

-Un conflit est en général le produit de l’évolution interne des sociétés concernées qu’il faut pouvoir décrypter. « Un conflit ou une guerre », dit Corm, « est toujours le résultat d’un processus historique et non point le produit de causes transcendantes qui le rendent inéluctable ». La politologie profane est, elle, multifactorielle et inclut démographie, économie, géographie. Regarder une carte quand on parle d’un conflit est véritablement le minimum. Et Corm souligne que regarder la carte d'aujourd'hui d'Israël Palestine, rend caduque la thèse de deux États sur ce territoire.

Il ajoute : « Le dédain de l’histoire comme facteur explicatif favorise la barbarisation d’un adversaire ».

Enfin, toujours selon Corm, la réalité historique d'un retour récent du religieux ne correspond pas à une réalité historique. Ainsi la religiosité est un trait dominant de la société aux Etats-Unis, mais aussi en Extrême Orient, en Inde, et en Islam . On ne serait donc pas dans une période de renaissance des religions mais plutôt dans un processus de dégénérescence signalé par l'absence de renouvellement théologique dans les religions elles mêmes.

Selon Corm, le tournant des années 90 correspond en réalité à une montée des fanatismes civilisationnels qui s’opère parallèlement à l’écroulement de l’URSS et de ses satellites, à la diffusion en 1992 de la thèse de Huntington et au retournement complet contre leurs protecteurs des groupes djihadistes utilisés par leurs alliés américains en Afghanistan, mais aussi en Yougoslavie et en Tchétchénie. C’est dans ce contexte qu’il faut situer le 11-Septembre et ses suites.

Ainsi s'érigent une « Méga identité occidentale se disant judéo-chrétienne qui protège et défend les conquêtes d’Israël et un bloc arabo-musulman qui refuse de telles conquêtes, s’accroche aux droits des Palestiniens, et après l’invasion de l’Afghanistan et de l’Irak, dénonce une nouvelle croisade cette fois judéo-chrétienne contre le monde musulman ».

Par l’instrumentalisation du religieux, « on atteint alors le stade suprême d'une idéologisation du monde qui renoue avec la vraie matrice des totalitarismes modernes à savoir les guerres de religions en Europe elle-même » .

La géopolitique internationale est régie par un triangle conceptuel -religion, civilisation, identité- dont l’usage fait reculer la notion de citoyenneté et qui légitime, dans l’ordre interne comme international, des actes de plus en plus difficiles à contester par les citoyens. Cela annonce, et c’est inquiétant, la fin du droit international et en corollaire le développement de zones de non-droit.

 

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4- Juifs et Arabes (musulmans) ennemis héréditaires ?

 

Palestine -L'OrientalismeSe fondant sur une relecture de « l’Orientalisme »[7] d’Edward Saïd, Gil Anidjar, professeur à Columbia, va développer une pensée complexe que je vais tenter de résumer en espérant ne pas la trahir en le citant abondamment.

Selon Anidjar , cette opposition juif – arabe est une sorte de fabrication identitaire et coloniale qui permet à l’Europe et l’Occident de se redéfinir à un certain moment de leur histoire.

Dans un article intitulé « L’hypothèse sémite »,[8] Gil Anidjar s’interroge sur l’apparition du terme sémite et sur sa disparition. Dans la vision orientaliste du XIXème, l’invention des Sémites comme catégorie - tombée en désuétude et complètement obsolète aujourd’hui - a correspondu en Europe à un moment de sécularisation, ou du moins à un moment où l’Europe se pensait sécularisée alors même qu’en réalité c’était une transformation de la religion qui s’opérait.

Effectivement la religion ne disparaît pas de l’Europe. On assiste simplement à un déplacement du religieux, du religieux chrétien qui fait semblant de s’ignorer et va se déplacer en se fabriquant un Orient religieux et racial dans lequel Juifs et Arabes vont être associés dans une catégorie qui est celle des Sémites. C’est le moment unique, dit Anidjar, où tout ce qui peut être dit sur un Juif peut être dit sur un Arabe et réciproquement avec validité. Ce moment-là racialise et théologise Juifs et Arabes.

 

Là où Renan associe Juifs et Arabes comme race et religion dans le terme de sémites, le nazisme va les dissocier dans une première étape en racialisant les juifs et en les « dé-théologisant ». Hitler écrit dans « Mein Kampf » que la religion juive est un prétexte à la survie de la race juive. Par contre, pour des raisons politiques liées à la guerre, le nazisme va théologiser l’Islam et le déracialiser. Dès lors pour les Juifs, les aspirations politiques et les revendications nationales vont s’exprimer plus fortement.

Il faut cependant toujours garder à l’esprit que c’est à l’intérieur même de l’Europe du XIXème que les deux identités politiques Juif et Arabe ont été co-constituées en relation l’une avec l’autre.

Comme le dit Anidjar,« Les Sémites ne garderont d’existence comme concept dans la conscience européenne qu’aussi longtemps que l’Europe s’imaginait être sécularisée ».

C’est au moment où la religion se dissipe supposément en Europe qu’émerge l’Orient/religion.

Comme Marx l’avait déjà noté, « l’histoire de l’Orient se présente comme une histoire des religions ».

 

La deuxième étape du raisonnement de Gil Anidjar a pour objet l’histoire de l’ennemi : Israël se présente comme une démocratie laïque et moderne alors que, face à lui, son ennemi est exempt de toute culture politique, « -ce n’est pas une race, à peine une civilisation et en tout état de cause une religion aberrante ! »

Autrefois juif et arabe étaient institués comme race et religion dans un mode politique sécularisé. Depuis le nazisme et jusqu’à aujourd’hui, on peut à nouveau les séparer. Reste à définir les critères ? Israéliens et Palestiniens ? juifs et musulmans ? Juifs et arabes ? Avec minuscule ou majuscule ? Réalistes en matière politique et extrémistes religieux ?

Aujourd’hui, dit Gil Anidjar, ce sont les termes « Juif » et « Arabe » qui sont dominants. La mutation discursive de « Sémites » à « Juif » et « Arabe » reconfigure des alliances fantasmatiques et reformule la distinction entre race et religion, entre religion et politique, entre ethnicité et race, tout en excluant celui qui était à l’origine le parallèle obligatoire du Sémite, l’Aryen.

C’est à dire qu’on a affaire à une défausse extraordinaire du christianisme qui a travaillé le XIXème, une défausse extraordinaire du chrétien, de ce qu’il continue à faire à travers les missions chrétiennes dans les empires coloniaux, une défausse jusqu’à aujourd’hui lourde de conséquences sur cette fabrication d’un Orient racisé et théologisé judéo-arabe.

 

A un niveau tout à fait pratique, les termes « Juif » et « Arabe » restent dominants au moins pour deux raisons :

-Tout d’abord ce sont les termes en fonction desquels le « conflit » et ses prétendues solutions sont articulés - d’où la popularité des solutions à deux États, l’un juif, l’autre arabe ou palestinien, comme si ces termes étaient de simples contraires entre lesquels la distinction pouvait se faire sans aucun problème.

-En second lieu, ces termes « juif » et « arabe » ont déterminé la vie de millions de personnes puisqu’ils sont inscrits sur les cartes d’identité israéliennes depuis le début de l’État d’Israël, ainsi s’opère la distinction entre citoyenneté –israélienne- et la nationalité –Juif ou Arabe. La nationalité permet donc une discrimination et non pas une reconnaissance de droits égaux.

En conséquence, en Israël, « Juif » bien que dé-théologisé continue à fonctionner comme un terme religieux, alors qu’ « Arabe » semble être exempt de tout contenu religieux, se contentant d’être un marqueur ethnique et politique, une catégorie raciale et même raciste qui fonctionne comme un écran mais qui signifie entre autres choses, « le fanatisme musulman » ou tout simplement « la religion ».

 

Que l’on parle d’Israéliens et de Palestiniens –le nationalisme étant le facteur primordial ; de juifs et musulmans –le facteur primordial étant en ce cas la religion ou que l’on parle de Juifs et d’Arabes –ethniquement définis avec, pour les uns, une politique dite « démocratique » et pour les autres une « religion fanatique »- ce n’est jamais une simple erreur dit Anidjar. On ne fait de la sorte que maintenir une situation qui, institutionnalisée par l’Etat d’Israël comme le point culminant d’une histoire complexe et non écrite, réinscrit des distinctions invisibles et ininterrogées qui séparent et qui traversent race et religion, religion et politique, et finalement les Sémites eux-mêmes : le Juif et l’Arabe.

 

Gil Anidjar nous rappelle fort à propos l’intuition d’Edward Saïd qui écrivait : « Peut-être la religion comme l’orientalisme est-elle un discours, un mode de pensée, de formuler et d’organiser les concepts, de relier des mots et des choses entre elles, qui est spécifiquement occidental ».

La religion est impossible à comprendre si l’on ne prend pas en compte le fait qu’il s’agit de l’histoire de l’Europe (et non pas de l’Orient et du Moyen-Orient) même si elle a eu et continue à avoir des effets dévastateurs dans cette région du monde.

 

En fin de compte, nous avons affaire à l’histoire de ce que veut le chrétien. « Rappelons-nous, dit Anidjar, l’affaire du foulard en France, l’opposition affichée à l’entrée de la Turquie dans l’Union européenne couplée avec une affirmation renouvelée de l’identité chrétienne de l’Europe, rappelons-nous Bush et Sharon, l’alliance d’Israël avec les évangélistes chrétiens des Etats-Unis, rappelons-nous l’insistance avec laquelle on martèle que la guerre contre les « terroristes fanatiques » n’est pas une guerre contre l’« Islam » et n’oublions pas la présence militaire des Etats-Unis au Moyen-Orient … Posons-nous la question de savoir s’il n’y a pas de racisme dans tout ceci. »

« Pensez enfin, dit Anidjar, que les « Arabes » ne sont pas considérés comme un groupe ethnique distinct dans les formulaires administratifs des services américains de l’immigration –même si c' est en train de changer et pas forcément en mieux. »

Je rapporte enfin ici la conclusion de Gil Anidjar : « là où la religion est advenue, la race a pour ainsi dire disparu (ce qui veut dire que, quoique visible, elle a été masquée dans son pouvoir et dans ses effets). Le sécularisme est un orientalisme. La race est la religion. La preuve ? … Les Sémites. »

 

Texte revu par l’auteure et publié avec son autorisation



[2] Les éléments sur le Mafdal sont tirés du bulletin du Centre français de recherche de Jérusalem : Les mutations politiques et idéologiques du mouvement sioniste religieux, David Khalfa

[3]  L’âne du Messie, figure biblique de l’âne sur lequel le Messie doit entrer dans Jérusalem.

* corne de bélier utilisée dans le rituel juif religieux à Yom Kippour et Rosh Hachana , dans la Bible utilisé par les Hébreux devant les murailles de Jéricho.

[4]   Rashid Khalidi, Palestine, Histoire d’un Etat introuvable, Actes Sud, 2007

[5]  De la théologie à la libération ? Histoire du Jihad islamique palestinien, Wissam Alhaj, Nicolas Dot-Pouillard, Eugénie Rébillard, La Découverte, 2014

[6]  Georges Corm, Pour une lecture profane des conflits, La Découverte, 2012

[7]  Edward W. Saïd, L’Orientalisme, L’Orient créé par l’Occident, publié pour la première fois en 1978, réédition Seuil 2005

[8]  The semitic hypothesis, publié in Semites, Stanford University Press, 2008

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10 décembre 2014 3 10 /12 /décembre /2014 15:23

                CHRONIQUES DU FASCISME ORDINAIRE 

 

 

 

 

 "la seule manière d’empêcher les terroristes palestiniens de nuire est de violer leurs soeurs et leurs femmes ».

 

Mordechai Keder enseignant de l’université israélienne de Bar Ilan, qui a travaillé 25 ans dans les services secrets de l’armée d’occupation.

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10 décembre 2014 3 10 /12 /décembre /2014 15:00

                                                               cerveau animé

 

 

                                                                         HUMA.fr

Au pays de la torture, la CIA est reine
Bruno Odent
Mercredi, 10 Décembre, 2014
Photo : Mark Wilson /Reuters
La prison, où se trouvent encore 136 détenus, n’est toujours pas fermée contrairement aux promesses d ’Obama.
Photo : Mark Wilson /Reuters
Le Sénat a rendu public hier un rapport explosif sur les méthodes utilisées par l’agence dans 
« la guerre au terrorisme » qui relèvent du crime contre l’humanité.

Le texte d’une enquête du Sénat sur les méthodes de la CIA durant l’ère Bush a fait l’effet d’une bombe hier au Capitole. La torture qu’a utilisée abondamment l’agence, relève le rapport, a été non seulement inacceptable sur le plan humain mais aussi « inefficace » sur le plan du renseignement. La CIA a « menti délibérément au Congrès » et elle a utilisé des méthodes « bien pires » que ce qu’elle a reconnu. Ces révélations figurent dans la partie expurgée du rapport de 500 pages de la commission du Renseignement du Sénat. Lequel est l’aboutissement de trois ans d’enquêtes réalisées entre 2009 et 2012. Aussitôt après la divulgation du texte, Barack Obama est intervenu pour dénoncer des méthodes « contraires » aux valeurs des États-Unis. Le président des États-Unis avait mis fin, à son arrivée à la Maison-Blanche, au programme secret de l’agence visant à interroger des prisonniers soupçonnés de liens avec al-Qaida et il a pesé pour la publication d’une partie de cette enquête parlementaire en dépit de l’opposition acharnée des parlementaires républicains. « Le président pense qu’il est important qu’il soit publié pour que les gens aux États-Unis et à travers le monde comprennent exactement ce qui s’est passé », avait expliqué Josh Earnest, porte-parole d’Obama.

Menaces d’abus sexuels...

Du côté du Parti républicain, majoritaire dès janvier prochain dans les deux chambres du Congrès, on a procédé à un véritable tir de barrage en invoquant des investigations « biaisées » qui aurait coûté 40 millions de dollars aux contribuables. Pour le sénateur Marc Rubio, l’un des candidats républicains potentiels à la présidentielle de 2016, la transparence sur ce document n’est « ni sérieuse, ni constructive » mais « imprudente et irresponsable ». Une contre-offensive des acteurs de l’époque justifiant ouvertement le recours à la torture a même vu le jour. Ainsi Dick Cheney, vice-président durant les mandats de George W. Bush, a-t-il vigoureusement défendu un « programme de la CIA qui, a-t-il déclaré dans le New York Times, a été autorisé (...) et qui a été examiné d’un point de vue légal par le ministère de la Justice ». Et l’ex-chef de file des néoconservateurs de défendre des agents de la CIA qui « devraient être décorés plutôt que d’être critiqués ». Même si le document est une version expurgée et censurée du rapport, Barack Obama a, cette fois, tenu ferme face aux pressions, arguant que quels que soient les risques liés aux réactions que pourrait provoquer la mise en lumière de ces investigations, il fallait les rendre publiques pour s’assurer que « cela ne se reproduise jamais ». Le locataire de la Maison-Blanche reste cependant toujours en échec sur la fermeture du camp de détention de Guantanamo, promise dès 2008 lors de son accession à la fonction suprême. Guantanamo, où se trouvent encore 136 détenus, constitue une pièce névralgique du système mis en place par l’agence pour interroger en dehors du droit des milliers de personnes capturées dans le cadre de la « guerre au terrorisme ».

... et simulacres d’exécutions

Des descriptions détaillées de la mort de prisonniers lors d’interrogatoires « musclés » figurent dans le rapport. L’un des organisateurs de l’attentat contre un destroyer états-unien, l’USS Cole à Aden en 2000, a ainsi été menacé d’une perçeuse électrique, branchée pendant des heures sous ses oreilles. La menace d’abus sexuels est également évoquée, confirmant des faits qui avaient déjà filtré lors de la diffusion des photos, mettant en scène des détenus dans la sinistre prison d’Abou Ghraib en Irak. Parmi les « méthodes bien pires » que celles avouées par la CIA figurent les recours fréquents à des simulacres d’exécutions. Des témoignages de prisonniers laissent entrevoir des confrontations d’une violence extrême où la menace de donner la mort est récurrente. Au-delà des simulations d’étouffements par noyade, de la privation de sommeil, des coups et des gifles, on y découvre la soumission à des températures glaciales ou l’obligation à rester dans des positions très douloureuses pendant de très longues périodes (à genoux, le corps en arrière...). Les conclusions du rapport sont accablantes. Car le déchaînement autorisé des sbires de l’agence n’a pas permis d’acquérir un véritable surcroît de renseignements utiles au démantèlement des réseaux terroristes, comme l’avait plaidé en son temps l’administration Bush. Véritable crime contre l’humanité, ce type de renseignements extorqués n’a le plus souvent même pas permis d’obtenir des informations pertinentes, notamment pour... retrouver la trace d’Oussama Ben Laden.

COMPLICITÉS EUROPÉENNES

En 2006, un élu suisse, Dick Marty, dévoilait dans un rapport établi pour le compte du Conseil de l’Europe, les complicités dont a bénéficié la CIA en Europe pour acheminer vers des lieux « d’interrogatoires » secrets des dizaines de milliers de personnes soupçonnées de liens avec al-Qaida. Il y apparaît une longue liste de pays européens qui ont toléré ou participé aux transferts de prisonniers (Suède, Bosnie, Royaume-Uni, Italie, Macédoine, Allemagne et Turquie) vers des lieux de détention – situés en Europe (Roumanie, Pologne) ou aux limites de l’Europe (Maroc, Égypte) – dans lesquels la CIA sous-traitait la torture. 

 
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10 décembre 2014 3 10 /12 /décembre /2014 14:46

                                                                       SNCM NAVIRE

 

 

 

 

  source: CORSEMATIN.COM

 

 

 

Frédéric Alpozzo : « Le combat pour sauver la - 27624298.jpg

Frédéric Alpozzo, leader de la CGT marins : « En vérité, tout ce beau monde est d'accord pour sauver le low-cost à travers la mise à mort de la SNCM. » 

 

Dans le cadre de la 55e fête de Terre Corse, le leader CGT des marins a débarqué hier matin au port de Bastia. Entre propositions et dénonciations, il évoque l’avenir de la compagnie maritime. Interview

La SNCM est en redressement judiciaire. Depuis le début de cet épisode juridique, quelle est votre position?

Pour l'intersyndicale hormis le STC, il n'y a plus qu'une seule solution : celle de la continuité de la SNCM avec un repreneur qui prenne les parts de Transdev. Et qu'on continue la compagnie sur l'exploitation de la DSP.

La non-transmission de la DSP au repreneur, une annonce prévisible?

Depuis le début, on est certain qu'elle n'est pas transmissible dans le cadre du schéma scandaleux qui a été porté par les actionnaires, le gouvernement et le président de l'exécutif de Corse qui prône qu'il faut faire disparaître la SNCM pour échapper aux contentieux européens déposés par Corsica Ferries.

Dans quel but?

Les armateurs de France, que ce soit les dirigeants de la Méridionale ou d'autres compagnies, réclament le pavillon international sur le modèle de la Corsica Ferries pour pouvoir utiliser des travailleurs sous statut détaché.

Une façon de supprimer les emplois nationaux des marins aussi bien en Corse que sur le Continent. Car la fin du pavillon français premier registre autoriserait l'armateur à utiliser des marins par des sociétés de travail temporaire à l'étranger.

Taper sur la compagnie low-cost, n'est-ce pas trop facile?

Non c'est un constat de fait. Aujourd'hui, on utilise la fiscalité et le droit social inexistant d'un pays où est installé l'employeur du salarié, notamment en Roumanie.

On ne peut pas cautionner ce modèle-là puisqu'on détruit de l'emploi existant. Il n'y a pas eu un marché où naturellement l'entreprise s'est développée. Elle est venue sans respecter les règles qui régissent le modèle de notre société et en plus, elle a été subventionnée pour le faire.

Du coup cela met en difficulté structurellement les compagnies de service public pour lequel le contribuable paie. Est-ce qu'il est normal de financer avec de l'argent public, une compagnie qui ne paie pas ses impôts en France ?

Mais les déficits accumulés sont pourtant là…

Les difficultés sont identifiées depuis dix ans. Avant l'ouverture à la concurrence de Corsica Ferries et avant la mise en œuvre de l'aide sociale, un rapport de la cour des comptes, avait fait état qu'il restait 40 millions d'euros d'excédents dans les caisses de l'office des transports de la Corse. Cela veut dire que la SNCM faisait alors des bénéfices et que la collectivité de Corse aurait pu, non pas financer l'aide sociale aux passagers, mais diminuer le tarif pour les résidents.

L'image écornée de la SNCM, notamment les grèves, a aussi joué en votre défaveur…

C'est une stratégie des actionnaires et responsables politiques de nous avoir poussés dans cette situation.

Face au dépôt de bilan, éprouvez-vous un sentiment d'échec collectif?

D'abord le combat n'est pas terminé. On a été force de propositions dans tous les domaines pour pérenniser et développer la SNCM sur un modèle industriel et développement durable qui a été rejeté par l'assemblée territoriale de Corse. Au niveau national, c'est la même chose.

Nous allons présenter aux administrateurs judiciaires un schéma d'exploitation optimisé avec une flotte à sept navires qui permet une viabilité économique. Et si aujourd'hui la SNCM est menacée de disparaître c'est parce que le pacte républicain a explosé.

Comment les marins traversent-ils la situation?

Comme des salariés qui, en parlant de liquidation, trouveront au pied de leur sapin des lettres de licenciement. S'il n'y a pas d'avenir pour la SNCM, il ne faudra pas s'étonner que les marins arrêtent l'activité jusqu'à ce qu'une autre solution soit trouvée.

Des grèves sont donc à craindre pour les fêtes de fin d'année?

On fera tout pour l'éviter. Si malheureusement nous n'avons pas d'autres solutions, il n'y aura pas besoin de préavis de grève.

Pour éviter le naufrage de la SNCM, les marins ont consenti à des efforts…

On a signé un pacte social qui comprend un plan de départ volontaire d'une centaine de sédentaires et cent départs non remplacés chez le personnel navigant. On a notamment diminué le nombre de jour de congés et augmenté le jour d'embarquement. Lisser les salaires aussi…

Il est souvent dit que ce sont les marins qui ont coulé la compagnie. Cela vous agace?

C'est une légende. Je peux le comprendre mais il faut rétablir la vérité. Si on prend toutes les grèves qui ont eu lieu ces dix dernières années, elles ont eu vocation à défendre l'emploi et le service public. La situation et le gaspillage de l'argent public ce sont les élus, avec nos actionnaires, qui en sont les responsables.

Avez-vous déjà postulé dans une autre compagnie?

Nécessité fait loi. Comme beaucoup de collègues, j'ai commencé à 14 ans et suivi trois ans l'école de Marine. On y est attaché et on n'a pas l'intention de lâcher ce métier. En ce moment, Je ne suis pas dans l'état d'esprit de changer de métier ou de compagnie.

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9 décembre 2014 2 09 /12 /décembre /2014 13:38

 

 

 

 

Laïcité : lettre ouverte aux élus Par Henri Pena-Ruiz
 

La laïcité va mal. Ancien membre de la Commission Stasi sur l’application du principe de laïcité dans la République, je ne peux garder le silence. Naguère, la droite au pouvoir la malmenait par la bouche de Monsieur Sarkozy. Aujourd’hui certains élus de gauche ne la traitent pas mieux. Tout se passe comme si les vrais ennemis de la laïcité et ses faux amis semblaient d’accord pour l’encenser en principe et la violer en pratique. Halte à la duplicité. Inventaire.

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D’abord un vocabulaire polémique brouille les choses à loisir. Il est trop facile, par exemple, d’inventer une opposition artificielle entre la laïcité dite "ouverte" et la laïcité dite "de combat". La première expression est usuelle chez les adversaires de la laïcité qui insinuent ainsi que la laïcité tout court serait fermée. Une calomnie travestie en signe d’ouverture. La seconde est fréquente chez ceux qui par électoralisme refusent de défendre la laïcité et en édulcorent le sens. Une trahison déguisée en réalisme. Un tel vocabulaire est d’ailleurs absurde. Parle-t-on de la "liberté ouverte" ou des "droits humains de combat" ? Bref, on adjective la laïcité soit parce qu’on en rejette les exigences soit parce qu’on manque de courage politique pour les faire valoir.

Les vrais ennemis de la laïcité rêvent de rétablir les privilèges publics des religions : c’est ce qu’ils appellent "laïcité ouverte". Ils parlent de "liberté religieuse" plus que de liberté de conscience. Faudra-t-il parler aussi de "liberté athée" ? Ses faux amis répugnent à la défendre par peur de perdre des voix et inventent l’expression polémique "laïcité de combat" pour qualifier une telle défense. C’est ce qui ouvre tout grand un chemin à une contrefaçon de laïcité par la droite extrême. Celle-ci feint de défendre la laïcité alors qu’elle la caricature en la tournant contre un groupe particulier de citoyennes et de citoyens. Ce qui est alors en jeu, c’est une conception discriminatoire travestie en laïcité. Tout le contraire de celle-ci.

Un premier exemple d’attaque contre la laïcité par la droite puis de refus de la défendre par la gauche au pouvoir. Comme on sait, la loi Carle votée sous la présidence de Monsieur Sarkozy met à la charge des communes la scolarisation d’enfants dans des écoles privées de communes voisines. Quand les laïques contestent cette loi et en demandent l’abrogation, les vrais ennemis et les faux amis de la laïcité, tout uniment, les accusent de vouloir rallumer la guerre scolaire ! Une accusation ridicule qui dissimule mal la volonté de faire entériner une violation de la laïcité. Aujourd’hui, que fait le gouvernement dit socialiste contre cet héritage de l’ère antérieure qui renforce les privilèges des écoles privées religieuses, affranchies de surcroît de l’obligation d’appliquer la réforme des rythmes scolaires ? Rien. C’est triste. Pire. Monsieur Peillon, précédent ministre de l’Éducation Nationale, a rédigé une charte de la laïcité. Mais il a étendu le financement public des activités périscolaires aux écoles privées, alors que la Loi Debré ne le prévoyait que pour les disciplines d’enseignement. Comprenne qui pourra.

A Paris, tout en s’affirmant fidèle à la laïcité, la mairie continue à subventionner des crèches confessionnelles et des fêtes religieuses comme celle qui a été organisée l’été dernier pour le ramadan. Ainsi des contribuables athées ou agnostiques sont obligés de subventionner à hauteur de 70.000 euros une fête religieuse. A quand une grande fête de l’humanisme athée financée sur fonds publics, à Paris et ailleurs ? Invoquer la culture, en l’occurrence, est peu rigoureux et néfaste. Confondre la culture arabe et le culte musulman c’est offrir un cadeau inespéré aux extrémistes religieux qui persécutent les arabes athées, accusés de "trahir leur culture". Dans le même esprit, Franco proclamait : « En Espagne, on est catholique ou on n’est rien ». Et le cardinal Rauco Varela dit que l’avortement n’est pas dans la "culture espagnole". D’où la tentative de Monsieur Rajoy, aujourd’hui avortée, de supprimer un droit essentiel des femmes. La culture a bon dos ! C’est la commission Machelon, mis en place par Nicolas Sarkozy, qui a recommandé le brouillage de la distinction entre culte et culture afin de contourner la loi du 9 Décembre 1905 qui interdit de financer les cultes. Nombre d’élus de gauche comme de droite appliquent la recette tout en se disant laïques, bien sûr.

Dans le Limousin, on a financé sur fonds publics des processions religieuses catholiques, en présentant ces dernières comme des « manifestations culturelles ». Heureusement, dans ce dernier cas, les tribunaux ont condamné ce subterfuge. Contre l’évidence, trop d’élus brouillent les choses. L’électoralisme ainsi mis en œuvre veut faire prendre des vessies pour des lanternes. Je rêve d’une sixième république où les professions de foi des élus seraient le cas échéant opposables à leur pratique effective. La laïcité reprendrait quelques couleurs, et la justice sociale aussi. La vie politique cesserait d’inspirer le dégoût aux citoyens qui pensent que les principes sont faits pour être appliqués.

On va m’objecter le pragmatisme, invocation sempiternelle des élus qui trahissent. Mais concrètement le devoir des élus n’est pas d’encourager par des fonds publics les manifestations communautaristes. Il est de rappeler à tous leurs administrés que leur humanité ne se réduit pas à leur appartenance à une religion, qu’ils sont hommes et citoyens avant d’être musulmans ou catholiques. Des citoyens porteurs de volonté générale, c’est-à-dire d’une faculté de vouloir ce qui vaut pour tous et non ce qui ne vaut que pour eux seuls. Mesdames et messieurs les élus, mettez votre pratique en accord avec les principes que vous prétendez défendre ! Pour lutter efficacement contre les communautarismes religieux et leurs dangereuses dérives, cessez d’encourager les revendications particularistes. Les élus politiques, porteurs des principes et des lois de la République, sont comme le disait Victor Hugo les « instituteurs du peuple ».

Une politique républicaine doit viser le seul intérêt général, commun à tous. Dans cet esprit, il faut consacrer l’argent public aux seuls services d’intérêt général. Et montrer ainsi que la République ne se contente pas de proclamer l’universalisme, mais lui donne concrètement chair et vie. L’instruction et la culture, l’accès aux soins, le logement social, sont d’intérêt commun aux divers croyants et aux athées. Ils sont de portée universelle. Pas la religion, ni d’ailleurs l’athéisme, options spirituelles particulières, à traiter comme telles si le mot république a encore un sens. Le deuxième article de la Loi du 9 Décembre 1905 est clair : « La République ne reconnaît, ne salarie, ni ne subventionne aucun culte ».

En Alsace Moselle, des maires se déclarent laïques tout en défendant le concordat. Pourtant celui-ci met à la charge des contribuables de toute la République les salaires des prêtres, des rabbins et des pasteurs des départements concordataires. Bref il contraint des athées et des agnostiques à financer la religion. Un comble en temps de crise et de vaches maigres pour les services publics ! Quelle est la motivation des élus concordataires, sinon un calcul électoral qui les conduit à chouchouter les croyants, donc à les traiter mieux que les athées. Au passage ils accréditent l’idée fausse selon laquelle la laïcité rejette la religion alors qu’elle ne rejette que ses privilèges publics. Et ils veulent faire croire que les trois composantes du droit local (concordat napoléonien, Loi Falloux, droit social allemand) sont inséparables, ce qui est faux. On peut abroger le concordat et les dispositions discriminatoires de la Loi Falloux (la religion inscrite dans l’enseignement public) sans toucher au droit social local.

Dans un discours émouvant sur les morts de la première guerre mondiale, le président de la République vient de souligner la dimension symbolique d’un mémorial qui ne recense plus les morts par nationalités, mais les réunit au contraire dans un même hommage. On aurait aimé qu’il réhabilite au passage les fusillés pour l’exemple, ces hommes qui ne manquaient pas de courage mais clamaient leur révolte devant des massacres aujourd’hui déplorés par toute l’Europe. On aurait voulu aussi que l’hommage ne cite pas seulement les « soldats de toutes religions » mais également les soldats de conviction humaniste athée, donc « les soldats de toutes convictions ». Un "détail" ? Non. Une omission discriminatoire. « La République a besoin de croyants »… C’est ce qu’osait dire dans l’exercice de ses fonctions Nicolas Sarkozy, établissant ainsi une hiérarchie entre croyants et athées. Notre président actuel lui emboite-t-il le pas en ne mentionnant que les soldats croyants ? Est-il si difficile pour le Président d’une république laïque de ne pas privilégier un type d’option spirituelle dans un moment aussi solennel ? Henri Barbusse, auteur d’un grand livre sur la guerre de 1914, Le Feu, aurait sans doute condamné cette discrimination implicite. De même pour Apollinaire, grièvement blessé sur le front et peu porté sur la religion.

Quant au récent voyage officiel à Rome du Premier Ministre de la République, aux frais de l’État, il enfreint aussi la laïcité. Lorsque François Fillon s’était rendu à Rome en 2011 pour y assister à la béatification de Jean Paul II, le Parti socialiste avait à juste titre protesté, au nom de la laïcité. Quand trois ans plus tard Manuel Valls s’y rend pour sa canonisation, le PS approuve. Comprenne qui pourra ! On marche au pas sur les principes. On ne peut justifier la chose au nom des relations entre États. Manuel Valls n’a rien négocié à Rome. Il ne s’y trouvait pas pour évoquer des problèmes diplomatiques. Des cérémonies de canonisation n’ont de sens que religieux. Entendons-nous. Si Manuel Valls le voulait, il avait tout à fait le droit d’assister à un tel événement, mais à titre privé et sur ses deniers propres. Son admiration pour Clemenceau aurait pu d’ailleurs lui montrer la voie. En 1918, l’archevêque de Paris annonce un Te Deum à Notre-Dame de Paris en mémoire des morts de la guerre. Clémenceau, alors Président du Conseil, fait adopter par les ministres le refus d’y assister à titre officiel. Clemenceau s’en explique : séparation laïque oblige. Une décision exemplaire, car respectueuse de tous les citoyens et non des seuls croyants.

Tout se passe désormais comme si les athées ou les agnostiques, qui quant à eux ne demandent nullement à la République de satisfaire des revendications communautaristes, étaient tenus pour quantité négligeable. Leur discrétion par respect de la laïcité et de l’universalité de la chose publique les dessert alors qu’elle est à leur honneur. Un autre exemple. Dans une déclaration à l’Observatoire de la laïcité, Madame Vallaud-Belkacem, Ministre de l’Éducation nationale, vient de permettre aux accompagnantes scolaires, au passage, limités aux seules "mamans", de porter un signe religieux dans l’exercice de leur fonction. La laïcité implique l’égalité des droits des divers croyants et des athées. En toute logique, un(e) accompagnant(e) athée aura donc également le droit de porter un tee-shirt stipulant « Dieu n’existe pas ». Si on ne lui accorde pas ce droit, en soutenant que ce serait du prosélytisme, on fait deux poids deux mesures. Étrange interprétation de la laïcité, réduite à un égal traitement des seules religions et non de toutes les convictions. Pourquoi les athées n’auraient-ils pas le droit de mettre en avant leur choix spirituel, comme des croyants le font ? Au nom de quoi une telle discrimination ? Par ailleurs Madame Vallaud-Belkacem réitère l’erreur qu’avait dû corriger la commission Stasi en proposant la Loi de 2004. En refusant de définir une même règle pour tous les établissements scolaires, conformément à l’indivisibilité de la République, elle dessaisit la laïcité de son statut de principe constitutionnel dans la hiérarchie des normes, et l’abandonne à la diversité des rapports de force locaux. Ce n’est pas la meilleure façon de la défendre.

Approfondissons cet exemple. Une conduite à prétention civique ou éthique doit pouvoir s’universaliser pour être recevable. Concrètement, une mère de famille musulmane ou catholique accepterait-elle que son enfant soit accompagné en voyage scolaire par un athée portant un tee-shirt mentionnant son choix spirituel athée ? Non sans doute. Un enfant de famille athée ne peut davantage être accompagné par une mère voilée ou un père coiffé d’une kipa. Car enfin un voyage scolaire n’est pas une sortie touristique. Le régime des libertés qui prévaut dans la société civile ne saurait donc être étendu à l’école, ni aux activités scolaires, qui concernent des élèves mineurs soumis à l’instruction obligatoire. Un voyage scolaire, c’est encore l’école, et d’ailleurs en cas d’accident, c’est l’Éducation Nationale qui assure. L’obligation de réserve des enseignants, des conseillers d’éducation, doit donc valoir également pour les personnes qui sont volontaires pour accompagner des voyages scolaires. Parler de "mamans" (pourquoi pas de "papas" ?) c’est mettre en avant le rapport familial parent-enfant. Mais celui-ci ne vaut comme tel que pour l’enfant de l’accompagnant. Pour tous les autres, enfants-élèves, il ne saurait valoir, et la "maman" ou le "papa" n’est perçu(e) que comme accompagnant scolaire. C’est donc le rapport accompagnants scolaires-élèves qui est en jeu, et non le rapport enfant-maman. Recentrons nous sur la fonction remplie et le régime de droit qu’elle requiert au lieu de brouiller les pistes par une présentation compassionnelle. Cette neutralité n’a rien d’arbitraire : elle promeut le minimum de distance à soi qui conduit à respecter le droit pour d’autres personnes d’avoir des convictions différentes.

La laïcité se définit par une exigence et pas seulement par un droit. C’est pourquoi elle est un levier d’émancipation. Tout adulte encadrant une activité scolaire doit comprendre que l’élève n’est plus seulement l’enfant. Une deuxième vie s’ouvre à lui, qui ne nie pas la première mais la dépasse. Un élève, c’est un être qui s’élève. Mettre en avant ce qui unit plutôt que ce qui divise est alors essentiel. Toute personne volontaire pour accompagner une activité scolaire peut le comprendre sans avoir à se sentir blessée ou niée. La concorde est plus sûrement assurée par une telle retenue que par une manifestation spontanée de la religion ou de l’athéisme, surtout en présence de jeunes gens influençables. Et qu’on ne dise pas qu’en cas d’exigence de neutralité vestimentaire une seule religion serait stigmatisée, puisque la déontologie laïque proscrirait aussi bien la croix charismatique, la kipa, le voile, et le fameux tee-shirt de l’athée.

Finissons par l’Europe. Le pape est venu haranguer le parlement de Strasbourg. Pourquoi un tel privilège conçu par Martin Schulz ? A quand une invitation du même type à un représentant de la Franc-Maçonnerie ou de la Libre-Pensée ? En fait, il y a erreur de destination. Un parlement démocratique n’est pas un lieu de prêche, ni de propagande athée. Quant aux racines chrétiennes de l’Europe, elles relèvent d’une conception très partisane de l’histoire. Que fait-on des racines que sont l’humanisme antique, la médiation arabe qui en a sauvé l’héritage, le rationalisme des Lumières, la pensée sociale du dix-neuvième siècle, les droits humains conquis souvent contre l’Église ou malgré elle ? Et qui les représente ? Le souci de l’humain, au demeurant, est venu bien tardivement à l’Église institutionnelle, qui n’a pas répugné à user des deux glaives chers à Bernard de Clairvaux, canonisé par l’Église, ni à lancer l’Inquisition contre les hérétiques prétendus, les juifs ou les musulmans mal convertis, les athées ou les francs-maçons. Cette Europe-là, conjuguant les bûchers, l’index des livres interdits, l’anti-judaïsme chrétien dégénéré en antisémitisme sans que l’Église proteste, ne peut guère donner la leçon.

Après l’Europe néolibérale qui désespère les peuples, l’Europe vaticane se pose en supplément d’âme du néolibéralisme fatalisé. Au prix de la remise en cause de l’égalité de droits entre croyants et athées. Et du remplacement de la solidarité par la charité. Par ailleurs, celles et ceux qui subissent de plein fouet la privatisation des services publics ainsi que la destruction de la fiscalité redistributive et du droit du travail, exigées par une telle Europe, ne trouveront guère de consolation dans ce cléricalisme d’un nouveau genre. Une fois encore, ce sont les plus démunis, les laissés pour compte, que l’on mystifie par de bonnes paroles qui laissent en l’état l’horreur économique. Pour eux, le supplément d’âme d’un monde sans âme est dérisoire. Beaucoup de croyants, comme naguère la philosophe Simone Weil, ont refusé que la religion serve de simple compensation et en ont appelé à une véritable politique sociale, irréductible à la charité.

Qui ne voit d’ailleurs que le nouveau couplage de l’ultralibéralisme et de la religion ressemble à s’y méprendre à l’idéologie propre au capitalisme sauvage du dix-neuvième siècle ? Exploitation sans frein toute la semaine, et aumône le dimanche. Ainsi l’Europe est en train de promouvoir de nouveaux privilèges pour deux religions. Celle du du Dieu-Marché et celle du catholicisme. Les européens qui ne sont fidèles ni de l’une ni de l’autre apprécieront.

Henri Pena Ruiz, le 1er décembre 2014
Ancien membre de la commission Stasi sur l’application du principe de laïcité
Dernier ouvrage paru : Dictionnaire amoureux de la laïcité (Editions Plon)
Prix de l’initiative laïque 2014 et Prix national de la laïcité 2014

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8 décembre 2014 1 08 /12 /décembre /2014 16:32

 

                                                                  Terre Corse

 

 

 

 

Le SNES de Corse, force syndicale incontournable (communiqué)

Malgré un léger tassement, le SNES arrive toujours en tête du scrutin en voix et en sièges (397 voix, 22 sièges) devant le SNALC (393 voix, 13 sièges), le SGEN (167 voix, 5 sièges) et le STC (145 voix, 3 sièges). Le SNES de Corse est la seule organisation syndicale à avoir déposé des listes dans les différents métiers des personnels enseignant, d’éducation et d’orientation. Il démontre ainsi, son investissement au service de tous, sans distinction de statut.

A l’issu des élections au Comité Technique Académique, la FSU, fédération à laquelle appartient le SNES, reste la principale force syndicale en Corse avec 1160 voix et 4 sièges ; elle devance le STC (818 voix, 3 sièges), le SNALC (497 voix, 2 sièges) et le SGEN (239 voix, 1 siège).

Dans un contexte socialement difficile et politiquement complexe, le SNES continuera d’agir pour tous les personnels en défendant leurs droits et leurs missions, et d’œuvrer pour que les collèges et les lycées de notre région jouent pleinement leur rôle d’ascenseur social pour toute la jeunesse.

Le SNES de Corse remercie tous les personnels du second degré qui lui ont renouvelé leur confiance et permis de confirmer sa position de première force syndicale dans les collèges et lycées de notre académie. 

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8 décembre 2014 1 08 /12 /décembre /2014 16:24

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                                                                     macron_gattaz.jpg

 

Loi Macron : Le MEDEF ne cache plus sa joie

                          (Olivier Dartigolles)

Réagissant à l'intervention de Manuel Valls, hier soir sur France 2, Le MEDEF note que “les engagements pris sur un certain nombre de problèmes concernant les entreprises vont dans le bon sens". Ce matin, c'est Thibault Lanxade, membre du comité exécutif du MEDEF, pour qui, la loi Macron, qui sera présentée mercredi en Conseil des ministres, va " véritablement dans la bonne direction".

 

Un MEDEF soutien officiel du gouvernement mais qui ne lâche pas les commandes, quand, tout en félicitant le premier Ministre, il demande des "corrections" sur le dispositif pénibilité, de "rester cohérent dans la stratégie de baisse des charges", de continuer les démarches en faveur de la "simplification", et de "corriger les errements sur le temps partiel (24h) qui détruisent actuellement de l'emploi". Fidèle à lui même, il mène sa lutte des classes en attaquant toujours plus fort les intérêts, les droits et protections des salariés.

 

La MEDEF ne cache plus sa joie. Mais la France n'est pas à la fête tant cette politique provoque dégâts et désolation. A l'évidence, la Loi Macron va cristalliser un grand débat politique, un vrai débat de société, un débat sur "la direction à prendre".  Nous savons qui va la soutenir. Des forces considérables, politiques, associatives, syndicales et citoyennes, n'en voudront pas et peuvent mettre en échec le gouvernement tout en ouvrant une perspective positive.

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8 décembre 2014 1 08 /12 /décembre /2014 16:01

 

                                                                        FDG CORSE

 

 

 

 

 

Etienne BASTELICAEtienne-BASTELICA.jpg

sera l’invité du Club de la Presse

Mercredi 10 décembre de 12h00 à 13h00

Sur RCFM.

 

 

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8 décembre 2014 1 08 /12 /décembre /2014 14:20

                                                                             cerveau animé

 

 

 

 

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