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CHANTS REVOLUTIONNAIRES

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18 février 2016 4 18 /02 /février /2016 16:38
B"Staline : histoire et critique d'une légende noire" par Domenico LOSURDOonnes lectures:

"Staline : histoire et critique d'une légende noire" par Domenico LOSURDO, édition française chez Aden

18 Février 2016 , Rédigé par Réveil Communiste Publié dans #Front historique

http://www.reveilcommuniste.fr/article-30773696.html, note de lecture de GQ

Staline : histoire et critique d'une légende noire
Domenico LOSURDO

Traduit de l'italien par Marie-Ange Patrizio

Postface de Luciano Canfora

Il fut un temps où d’illustres hommes d’État –comme Churchill– et des intellectuels de premier plan –Hannah Arendt ou Thomas Mann pour ne citer qu’eux– avaient pour Staline, et pour le pays qu’il guidait, du respect, de la sympathie et même de l’admiration. Avec l’éclatement de la Guerre froide d’abord, et surtout, ensuite, avec le Rapport Khrouchtchev, Staline devient, du jour au lendemain, un "monstre", comparable peut-être seulement à Hitler. Le contraste radical entre ces attitudes à l’égard du "petit père des peuples" devrait pousser l’historien non pas à trancher en faveur d’une de ces images mais bien à les étudier toutes, en analysant les conflits et les intérêts qui sont à l’origine de ces prises de positions. C’est ce que réalise Domenico Losurdo, en revenant scrupuleusement sur les tragédies du XXe siècle et en déconstruisant et contextualisant nombre des accusations et louanges adressées à Staline. Cet essai est une approche à la fois historique, historiographique et philosophique –qui, comme en Italie à sa sortie, ne manquera pas de susciter de vives polémiques.

Domenico LOSURDO est professeur d’histoire de la philosophie à l’Université d’Urbino. Il est notamment l’auteur de Révisionnisme en histoire, problèmes et mythes (Albin Michel) et de Fuir l’histoire (Delga). Son premier livre aux Éditions Aden, Le péché originel du XXe siècle, a rencontré un vif succès d’estime.

Parution: janvier 2011
ISBN: 9782805900631
532 pages
14 x 21 cm
30 €

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18 février 2016 4 18 /02 /février /2016 16:05

Communiqué des députés communistes et apparentés (Front de gauche) et du Groupe communiste, républicain et citoyen au Sénat.

REFORME EL KHOMRI: UNE ATTAQUE SANS PRÉCÉDENT CONTRE LE CODE DU TRAVAIL

L’avant-projet de loi sur la Négociation collective, le Travail et l’Emploi, dévoilé aujourd'hui dans Le Parisien, porte des attaques sans précédent contre le temps de travail, les salaires, les apprentis, les indemnités de licenciement, l’expertise des CHSCT, la représentation syndicale...

Le texte prévoit l’extension par accord d’entreprise de la durée de travail maximum à 60 heures par semaine, et l’extension des forfaits jours aux entreprises de moins de 50 salariés hors accord collectif.

Le temps de travail en matière d’apprentissage est également modifié puisque les apprentis de moins de 18 ans pourront travailler jusqu'à 10 heures par jour au lieu de 8, et 40 heures par semaine contre 35 actuellement.

S’agissant de la rupture du contrat de travail, les indemnités dues par l’employeur en cas de licenciement abusif seront désormais plafonnées selon l’ancienneté. Au minimum trois mois de salaire, pour moins de deux ans de présence, et au maximum quinze mois, pour des employés présents dans l'entreprise depuis plus de vingt ans.

Le projet revoit complètement le droit de la négociation collective. Si le principe de l’accord majoritaire est réaffirmé, il sera désormais possible pour les organisations ayant recueillies 30% des suffrages aux élections professionnelles d’organiser des referendums par internet auprès des salariés, confirmant la remise en cause de la représentation syndicale.

Le gouvernement reprend les propositions formulées par la droite lors de la loi Macron visant la mise en place d'accords de compétitivité « offensifs » qui autorisent les entreprises à réduire le temps de travail et les salaires, soit en cas de problèmes économiques, soit pour "développer l'emploi" au nom de la compétitivité de l'entreprise. Les salariés qui refuseront pourront être licenciés pour cause réelle et sérieuse.

Les députés du Front de Gauche et les sénateurs du groupe CRC appellent à une prise de conscience majeure contre les attaques portées au code du travail et les régressions sociales que ce projet de loi emporte pour les travailleuses et les travailleurs de notre pays.

Seule une mobilisation sociale massive peut empêcher le gouvernement Valls III de réaliser son projet d’éradication du droit du travail. Nos groupes mèneront le combat à l’Assemblée Nationale et au Sénat, aux côtés de toutes celles et ceux qui refusent qu’un gouvernement qui se prétend de gauche réalise les rêves du MEDEF et de la droite.

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18 février 2016 4 18 /02 /février /2016 15:54

Campà Inseme, une démarche pour libérer la parole contre le racisme

Publié le 18/02/2016, 12h16

(Alex Bertocchini - Alta Frequenza) - Campà Inseme ! Ce n’est pas un parti politique, ce n’est pas un cercle de réflexion ou une structurée établie, c’est simplement une démarche lancée après les évènements houleux et lourds de la fin d’année à Ajaccio. Paul-Antoine Luciani et Etienne Bastelica ont en effet lancé un débat qui a dépassé largement leurs espérances. En effet, Jérôme Ferrari et Marcu Biancarelli pour la partie intellectuelle et des sociologues de renommée établie pour la partie scientifique, sont venus échanger avec l’assistance sur un sujet on ne peut plus dérangeant : le racisme. Libérer la parole est en fait le but recherché par cette démarche, qui pourrait plus tard sans doute prendre d’autres formes.

Ecoutez Paul-Antoine Luciani, l’un des animateurs de la soirée.

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17 février 2016 3 17 /02 /février /2016 15:31

Plusieurs membres du Conseil national du PCF répondent aux communistes de Saint Quentin

Plusieurs membres du Conseil national du PCF répondent aux communistes de Saint Quentin

février 15, 2016

Emmanuel DANG TRAN

Claude FAINZANG

Eric JALADE

Dominique NEGRI

Membres du Conseil national du PCF

emmanuel.dang-tran@orange.fr

eric.jalade@laposte.net

d.negri@orange.fr

Section du PCF de Saint-Quentin

22, rue de la Pomme Rouge

02100 SAINT-QUENTIN

pcfquentin@gmail.com

Le 15 février 2016,

Chers camarades,

Vous vous êtes adressés par un courrier du 26 janvier à tous les membres du Conseil national du PCF. Vous nous avez alertés sur les conditions de désignation des candidats présentés (ou soutenus) par le PCF à la législative partielle dans la 2èmecirconscription de l’Aisne, consécutive à la démission de l’ancien ministre UMP Xavier Bertrand, devenu président de la Région Nord-Pas-de-Calais-Picardie. Cette élection aura lieu les 13 et 20 mars.

Présents à la réunion du Conseil national des 16 et 17 janvier, nous pouvons vous confirmer que votre situation n’a pas été soumise à discussion, pas plus que celles des élections dans la 1ère circonscription des Yvelines (Versailles) et dans la 10ème du Nord (Tourcoing) qui auront lieu aux mêmes dates et où, à notre connaissance, le débat entre communistes se poursuit.

La prochaine réunion du CN se déroulant les 5 et 6 mars, il lui sera impossible, suivant sa prérogative définie par les statuts du Parti, de valider les candidatures qui pourront se réclamer du PCF.

De son côté, la fédération du PCF de l’Aisne a choisi de transgresser les statuts et de désigner unilatéralement des candidats, ignorant les propositions de la section du PCF Saint-Quentin et contre l’avis des adhérents de la circonscription. Toutes les sources confirment les informations que vous nous avez communiquées. Aucun dirigeant du PCF, quelles que soient ses options dans les débats stratégiques internes, ne peut avaliser ces procédés. Ni sur la forme, ni sur le fond.

Sur la forme, en contradiction flagrante avec les statuts, les dirigeants départementaux ont fait l’impasse sur l’appel à candidature, n’ont pas informé les communistes de la circonscription, n’ont pas fait valider leur « bulletin de vote », ont expédié leur décision en 4 jours… En réalité, personne ne conteste que l’immense majorité des adhérents du Parti de la circonscription refuse la ligne politique représentée par les candidatures imposées par le département et soutient celle de la section de Saint-Quentin.

Sur le fond, personne ne nie la notoriété – la bonne notoriété – des candidats proposés par la section de Saint-Quentin : Corinne Bécourt, travailleuse sociale, militante associative pour le droit au logement, secrétaire de la section qui regroupe plus de la moitié de la population et l’essentiel des adhérents du PCF de la circonscription et Olivier Tournay, enseignant, principal opposant à Xavier Bertrand au Conseil municipal de la plus grande ville de l’Aisne.

En termes de ligne politique, depuis des années la section de Saint-Quentin porte et met en pratique, avec dynamisme, une conception du PCF donnant la priorité aux luttes sur les combinaisons institutionnelles, aux positions communistes de rupture sur l’acceptation du réformisme (par exemple contre l’UE).

D’une façon générale, il n’y a pas de raison que le « respect de la diversité dans le Parti » aille toujours dans le même sens et que les directions valident systématiquement les options d’effacement de l’identité communiste.

Dans ce cas particulier de l’Aisne, c’est proprement indéfendable. La direction départementale prétend poursuivre sa ligne des départementales de mars 2015 : affichage « front de gauche » et, en même temps, alliances, dès le 1er tour, avec le PS là où des places étaient à préserver pour des élus.

Le Conseil national des 16 et 17 janvier, analysant le désastre des élections régionales, a acté l’échec de la stratégie du Front de gauche, que confirment les dissensions croissantes depuis avec le PG de Mélenchon. Par ailleurs, de moins en moins de dirigeants se masquent que l’alignement électoral sur le PS et la social-démocratie discrédite notre parti. Les meetings avec Claude Bartolone et Emmanuelle Cosse, dernière recrue de Hollande, aux régionales en Ile-de-France ont, par exemple, coûté cher aux luttes quotidiennes des communistes.

Nous regrettons que la présidente du CN, Isabelle de Almeida, et Pierre Laurent n’aient pas répondu à votre courrier.

Par ailleurs, si cela vous avait échappé, nous vous informons que le CN des 16 et 17 janvier n’a rien tranché et n’a pas adopté, après débat contradictoire, de résolution validant l’inscription du PCF dans un processus de « primaires à gauche ». Les avances de Pierre Laurent ou d’Olivier Dartigolles vers tel ou tel, suivant par exemple l’initiative de Cohn-Bendit, n’engagent donc pas le Parti. Cette démarche ne saurait vous être opposée pour l’élection partielle de Saint-Quentin. Pour notre part, nous la réprouvons totalement. Mais le comble serait que les « primaires », cette caricature politicienne de démocratie « à l’américaine », serve à nier l’expression de la souveraineté des communistes, notamment à Saint-Quentin.

Une chose ne peut plus durer dans le PCF : que les dirigeants affichent que tous les communistes sont égaux mais considèrent que certains sont plus égaux que d’autres. Votre situation rappelle la circulaire envoyée en juillet, pour la désignation des candidats aux régionales, par le secrétaire national aux secrétaires départementaux de la grande région Midi-Pyrénées-Languedoc-Roussillon. Elle affirmait que, dans le cadre de la consultation sur les chefs de file PCF, tous les noms se valaient mais qu’il fallait que les secrétaires départementaux assurent la désignation de Marie-Pierre Vieu… Cette dernière allait aussitôt sceller une alliance derrière EELV et son chef local Onesta, corédacteur de la constitution européenne en 2005 avec Giscard…

Chers camarades, nous apprécions au plus haut point vos belles batailles, locales dans la situation nationale, conduites dans un esprit de large rassemblement avec les salariés, les populations, les militants syndicaux et associatifs, par exemple contre les aides publiques aux patrons qui délocalisent, pour la défense des services publics, contre l’application des directives européennes, pour la solidarité internationale, aussi au jour le jour, contre les fermetures de classe ou les expulsions locatives. Tout cela dans une région sinistrée, gérée par l’ex-ministre du chômage de Sarkozy où la démagogie sociale du FN trouve particulièrement un terreau.

Aussi, avec vous, nous appelons les candidats FdG de la Fédération de l’Aisne à faire le choix de la démocratie et de l’intérêt du Parti et à se retirer de l’élection.

Vous pouvez compter sur notre soutien aux candidats PCF « les Voix de la Colère », Corinne Bécourt et Olivier Tournay et nous sommes à votre disposition pour toute initiative.

Bien fraternellement,

Emmanuel Dang Tran, Claude Fainzang, Eric Jalade, Dominique Negri

Plusieurs membres du Conseil national du PCF répondent aux communistes de Saint Quentin

Emmanuel DANG TRAN Claude FAINZANG Eric JALADE Dominique NEGRI Membres du Conseil national du PCF emmanuel.dang-tran@orange.fr eric.jalade@laposte.net d.negri@orange.fr Section du PCF de ...

http://pcfsaintquentin.fr/plusieurs-membres-du-conseil-national-du-pcf-repondent-aux-communistes-de-saint-quentin/

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17 février 2016 3 17 /02 /février /2016 15:17
Les impostures du Réseau Voltaire et des "théories du complot"

Les impostures du Réseau Voltaire et des "théories du complot"

Vendredi, 13 Février, 2015

Humanite.fr

Depuis les assassinats des 7, 8 et 9 janvier, les "théories du complot" ont à nouveau largement circulé sur le Net. Dans cet entretien, Gilles Alfonsi raconte le retournement du Réseau Voltaire, dont il fut un des administrateurs, et en tire quelques pistes face aux théories complotistes.

Exergue 1 : Il ne faut pas confondre l’interrogation légitime de tous les faits sociaux ou politiques et l’abandon de tout esprit critique au profit de n’importe quelles hypothèses manipulatoires.

Exergue 2 : Le 1er révélateur de la dérive du Réseau Voltaire a été un "lapsus" d’un membre du CA, qui attribuait la « campagne contre Thierry Meyssan » à un « lobby juif ». Le 2nd conflit a porté sur le financement du Réseau par des États étrangers.

Exergue 3 : Supplantant la promotion de la laïcité, la lutte contre l’impérialisme américain est venue justifier le soutien aux pires régimes et l’alliance avec les antisémites et l’extrême-droite. Le retournement du Réseau Voltaire est une faillite morale incommensurable.

Exergue 4 : Les récits complotistes ont un écho car ils répondent à une demande de paroles et d’aventures dégagées des formes dominantes de médiatisation. Or, les marchants de complots ne sont pas autonomes et libres. Thierry Meyssan est appointé par des grands médias de régimes liberticides.

Exergue 5 : Les visions complotistes sont contradictoires avec les aspirations démocratiques profondes. Elles ne laissent en réalité aucune place à une authentique confrontation d’idées, ni à une quelconque délibération collective. Les combattre est devenu un enjeu politique fort.

Heureusement, le ridicule, lui, ne tue pas

Le 7 janvier, jour même des assassinats à Charlie Hebdo, Thierry Meyssan écrivait sur le site internet du Réseau Voltaire, en direct de Damas (Syrie), que « de nombreux Français réagissent à l’attentat en dénonçant l’islamisme » (sic !) et que « l’interprétation jihadiste est impossible ». Ah bon, et pourquoi ? Des djihadistes « ne se seraient pas contentés de tuer des dessinateurs athées, ils auraient d’abord détruit les archives du journal sous leurs yeux »… « ils n’étaient pas vêtus à la mode des jihadistes, mais comme des commandos militaires ». Sans blague, ce n’était quand même pas un défilé de mode ! Alors, quelle hypothèse ? « il serait plus logique d’envisager qu’il soit le premier épisode d’un processus visant à créer une situation de guerre civile ». Ainsi, « les commanditaires les plus probables sont à Washington » (évidemment !).

Le 12 janvier, le PDG du Réseau Voltaire change de thèse. Il écrit de Hong-Kong (Chine) que le complot vise en fait à « justifier une nouvelle opération militaire en Lybie » et estime que « peu importe qui étaient » les terroristes (ben voyons !). Il prétend qu’on vient de découvrir que « les dirigeants de droite et de gauche partageaient les valeurs anti-religieuses, anti-nationales et anti-militaristes du très gauchiste Charlie Hebdo ». On se dit que la pente du discours mène tout droit au FN.

Le 25 janvier, la pente s’accentue dans un nouvel article. Dans la même phrase, Thierry Meyssan trouve « absurde » d’être accusé d’antisémitisme mais valorise la construction du parti Soral - Dieudonné, avec « y compris des personnes ayant milité [sic] à l’extrême-droite ». Il considère que le « Je suis Charlie Coulibaly » de Dieudonné était humoristique. Au total, il se rêve en passerelle entre Soral, Dieudonné et Marine Le Pen... sombre cauchemar !

Lire l’analyse des enjeux politiques suite aux attentats, "Dans quel monde vivons-nous ?, quelle société voulons-nous ?" dans Cerises, n° 241 :

Quand et comment as-tu connu le Réseau Voltaire et Thierry Meyssan ?

Gilles Alfonsi : Le Réseau Voltaire n’a pas toujours été une officine proche des antisémites et de l’extrême droite ! Il a été officiellement créé début 1994 dans le but de constituer « une cellule d’information au service des organisations laïques ». Ses statuts initiaux de janvier 1994 faisaient référence à la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen et à la défense de la laïcité. Il comptait alors parmi ses administrateurs des membres des Verts, du PCF et du PRG, Philippe Val (au titre de Charlie Hebdo), des militants d’associations de lutte contre le sida, des éditeurs, des syndicalistes… L’idée était de constituer une sorte d’agence de presse alternative dédiée à la lutte pour la liberté d’expression, à la défense des libertés individuelles et à la lutte contre l’extrême-droite.

Le Réseau Voltaire était en réalité une toute petite structure. Son activité était centrée sur la publication d’une Note d’information, qui collationnait et croisait les informations disponibles dans de nombreuses publications papiers. La Note était adressée par courrier à quelques centaines d’abonnés. Dès le début, le Réseau Voltaire, c’était surtout l’entregent de Thierry Meyssan, qui en était le personnage charismatique. Il avait une bonne culture générale, des convictions affirmées sur la République et la laïcité, une conception libérale sur les questions sociétales - mais, déjà, un silence assourdissant, à mes yeux, sur la question sociale.

Thierry Meyssan avait auparavant fondé, en 1989, le Projet Ornicar, qui se définissait comme une « association humanitaire » consacrée aux « droits de l’homme et à l’abolition des discriminations sexuelles ». La publication de cette association a accueilli des contributions de toutes sensibilités politiques (surtout de gauche, mais aussi de droite), hors extrême-droite. Elle avait notamment publié un dossier spécial concernant « l’infiltration néofasciste et néonazie dans la communauté gaie ». Thierry Meyssan a aussi écrit dans un journal gay, Exit le journal, et a été le rédacteur en chef de l’éphémère mensuel Maintenant, en 1994. Ce journal vendu en kiosque a joué un rôle important pour révéler au grand public les réalités du génocide contre les Tutsi au Rwanda.

De mon côté, c’est à partir de mon engagement associatif dans la lutte contre le sida que j’ai participé au Réseau Voltaire. J’ai contribué à son installation dans des locaux à Saint-Denis. J’ai assuré en 1997 le tirage d’un dossier consacré au Département Protection Sécurité du Front national - le service d’ordre occulte de l’organisation lepéniste -, dossier qui fit référence pour obtenir la mise en place d’une commission d’enquête parlementaire. J’ai publié la même année, dans la revue Combat face au sida que j’animais un dossier sur les "connexions dangereuses" entre une association de lutte contre le sida et une revue pédophile intitulée Gaie France animée par des néo-nazis. À cette époque, Thierry Meyssan était devenu l’un des animateurs du Comité national de vigilance contre l’extrême-droite, qui réunissait à peu près toutes les "sensibilités républicaines". Sa réputation était aussi liée au fait qu’il a longtemps fait partie du secrétariat national du Parti radical de gauche et qu’il était franc-maçon, membre du Grand Orient de France. Outre son travail documentaire, le Réseau Voltaire était approvisionné en informations par ses enquêtes propres et par des contacts - dont le président avait le monopole - au sein des ministères et des services de renseignement. De fait, le Réseau Voltaire a été une passerelle intéressante entre des militants et des combats très variés. Il ne s’agit pas de mépriser aujourd’hui cette expérience militante en projetant sur le passé ce que le Réseau est devenu aujourd’hui.

Que s’est-il passé au sein du Réseau Voltaire après les attentats du 11 septembre 2001 ?

Gilles Alfonsi : Thierry Meyssan a affirmé très tôt sa conviction que les attentats du 11 septembre ne s’étaient pas passés comme annoncé, qu’il ne s’agissait pas d’une campagne de terreur islamiste mais qu’était responsable, directement ou indirectement, une partie du complexe militaro-industriel américain. Si son livre L’effroyable imposture est sorti en mars 2002, les notes du Réseau Voltaire parues juste après l’événement disaient la même chose. Celle du 16 octobre 2001 affirmait « matériellement impossible qu’un Boeing 757-200 ait pu percuter la façade du Pentagone ». Celle du 5 novembre 2011 posait « l’hypothèse d’une responsabilité des Forces spéciales clandestines » américaines. L’aplomb des affirmations et l’apparent bon sens des "démonstrations" de l’auteur semblaient pertinents, et il faisait pièce au discours guerrier de George Bush, qui annonçait l’intervention en Irak de 2003. J’ai donc fait partie des millions de Français qui ont douté de la thèse officielle, notamment du fait qu’un avion s’était écrasé sur le Pentagone.

En ce qui concerne la vie du Réseau Voltaire, la dérive s’est accélérée. Thierry Meyssan réalise plusieurs voyages, par exemple en Iran et au Maroc, en juin 2002, au moment où paraissait son nouveau livre Le Pentagate. Il me semble que c’est à ce moment là qu’il a commencé son grand retournement.

Avec mes camarades militants, nous avons mis beaucoup de temps à prendre pleinement conscience de ce qui se jouait. Sans donner de leçons, mais avec le souci d’alerter le lecteur sur ce qui nous pousse, chacun, à croire parfois à des sornettes ou à s’en remettre à des "théories du complot", cela me semble devoir tenir lieu d’avertissement. Ces types de raisonnement fonctionnent comme des pièges sectaires et, avec le recul, j’insisterai sur cette idée : il ne faut pas confondre l’interrogation légitime de tous les faits sociaux ou politiques, y compris la contestation d’affirmations officielles présentées comme des vérités absolues, et l’abandon de tout esprit critique au profit de n’importe quelles hypothèses manipulatoires. Il faut toujours se demander qui parle et pour quelles causes. Ainsi, comment croire que quelqu’un qui indique lui-même travailler pour des radios et des télévisions iraniennes, qui s’exprime régulièrement sur les chaînes de télé des régimes parmi les plus hostiles à la liberté d’expression ou aux droits de l’homme - Syrie (où Thierry Meyssan est « exilé »), Qatar, Émirats arabes unis, Kazakhstan, Russie… - pourrait être un militant de la liberté ?

Quelle a été la suite des évènements ?

Gilles Alfonsi : Il faut d’abord indiquer - ce n’est pas anodin - que la vie démocratique du Réseau Voltaire était purement formelle. Au départ, cela s'expliquait (plus ou moins…) par la nature de ses activités : un petit groupe tenant une agence de presse alternative, et non une organisation de militants. L’essentiel des activités était d’ailleurs assuré par les proches du président. Les réunions du conseil d’administration étaient rares, mais l’une d’entre elles a été particulièrement décisive à mes yeux. Le premier révélateur a été un "lapsus" d’un membre du conseil d’administration, qui attribuait la « campagne contre Thierry Meyssan » à un « lobby juif ». Alors que nous lui demandions de condamner ces propos sur le champ, Thierry Meyssan a évoqué une maladresse d’expression, ce qui ne tient pas : l’utilisation de l’expression "lobby juif" n’est jamais anodine.

Le 16 décembre 2004, le second gros conflit a porté sur la proposition portée par Thierry Meyssan que le Réseau Voltaire reçoive bientôt des financements d’États étrangers, ce qui nous expliqua-t-il, nécessitait de se doter « d’une ou des sociétés commerciales aptes à réaliser les investissements nécessaires ». Sur ces deux sujets, avec l’éditeur Michel Sitbon, nous avons réagi immédiatement de manière très ferme, puis par écrit. En fait, sous l’influence notamment de militants rouges-bruns, était en marche l’idée d’une alliance du Réseau Voltaire avec les forces opposées à l’impérialisme américain quelles qu’elles soient. Les dés étaient jetés, et le dernier coup en fut une Assemblée générale destinée à réorienter les activités du Réseau Voltaire. Le jour J, le 26 février 2005, j’ai fait une déclaration au nom du PCF, que je représentais au sein du conseil d’administration depuis trois ans, pour mettre en cause la totalité de la nouvelle stratégie de l’association1. Entre temps, Thierry Meyssan avait préparé la relève, faisant entrer2 au conseil d’administration Claude Karnoouh, un ancien chercheur au CNRS qui s’était fait connaitre en juin 1981 en déclarant en marge du procès de Robert Faurisson : « Je crois qu’effectivement les chambres à gaz n’ont pas existé ; un certain nombre de vérités de l’histoire officielle ont fini par être révisées ». Lors de cette AG, un film fut projeté, où Dieudonné expliquait que « critiquer Israël est pire que violer une petite fille ». Sordide.

Comment expliques-tu le retournement du Réseau Voltaire ?

Gilles Alfonsi : Il y avait eu dans les années qui ont précédé les attentats une évolution idéologique du Réseau : une place de plus en plus grande accordée aux questions internationales au détriment des questions nationales sur lesquelles il s’était épuisé, une relativisation de la question de la laïcité au profit d’un discours de plus en plus centré sur l’anti-impérialisme (qui préparait la justification des alliances y compris avec des religieux radicaux), une vision des Américains confinant à la paranoïa, comme s’il n’y avait pas suffisamment de bonnes raisons de critiquer l’impérialisme américain. Cependant, des campagnes ont pu masquer cette évolution à nos yeux mêmes, telles la mobilisation que j’ai animée en 2000 contre "le fichage des séropositifs" qu’annonçait la mise en place d’un nouveau dispositif de surveillance épidémiologique (campagne victorieuse qui permet de bénéficier, encore aujourd’hui, d’un système respectant l’anonymat des personnes dépistées séropositives).

Au-delà de ces aspects idéologiques, il y a eu surtout, me semble-t-il, un élément important de conjoncture. Alors que, très vite, les États-Unis se sont engagés dans la "guerre des civilisations", mobilisant bientôt leurs énormes moyens militaires en Irak, être dépositaire d’une version des évènements du 11 septembre susceptible peut-être de changer du tout au tout le cours de l’histoire était pour le futur président directeur général du Réseau Voltaire l’affaire de sa vie. Pour un intriguant de haut vol, qui avait échoué jusque-là à jouer le rôle politique auquel il aspirait depuis longtemps, ce fut peut-être un point de bascule. Le terreau d’une certaine vision du monde était là, mais c’est dans les mois qui ont suivi la parution de L’effroyable imposture que le Réseau Voltaire "nouvelle formule" a trouvé comme alliés des régimes autoritaires, des anti-Américains haineux, des rouges-bruns inquiétants (capables de signer des menaces de mort), des antisémites. Ce qui n’a pas changé, c’est qu’il a toujours voulu être un porteur de vérité, et si possible LE porteur de LA vérité, cela dit sans vouloir faire de la psychologie à deux sous. Il a d’un seul coup été propulsé comme "personnalité mondiale", disposant de moyens considérables pour présenter ses vues. Ce qui, par contre, a changé, c’est qu’il a rompu à la fois avec ses convictions initiales profondes. Et qu’il est devenu à la fois un petit menteur et un grand imposteur sans scrupule.

Peux-tu démontrer cela ?

Gilles Alfonsi : Oui, au travers d’un exemple, un "petit" mensonge. Chacun peut le trouver encore à ce jour [le 30 janvier 2015] dans la page de wikipedia consacrée à Thierry Meyssan. Celui-ci présente ainsi les débats au sein du Réseau : « J’ai eu la surprise de constater que certains de nos administrateurs, sincèrement engagés dans la lutte contre le racisme, défendaient des principes opposés lorsqu’il s’agissait du Proche-Orient. Là-bas, ils se satisfaisaient très bien de l’apartheid israélien. Notre conseil d’administration est devenu un champ de bataille. En définitive, les administrateurs sionistes ont été mis en minorité. Ils ont démissionné, les uns après les autres, non sans insulter avec un acharnement particulier un de nos administrateurs qui est juif antisioniste. » Eh bien, Thierry Meyssan sait parfaitement que les trois administrateurs qu’il met ainsi en cause ne sont pas des pro-sionistes mais au contraire des militants engagés aux côtés du peuple palestinien. Il ment donc effrontément, et ce faisant il sort complètement du registre du désaccord ou même de la vaine polémique, pour entrer dans celui de la manipulation. En nous faisant passer pour des sionistes et en présentant l’un de ses proches comme un "juif antisioniste" (comme Jean-Marie Le Pen montrait son Noir il y a quelques années pour montrer qu’il n’était pas raciste…), son but est de faire croire qu’il serait seulement antisioniste alors qu’il est aussi un allié des pires antisémites. Je prends cet exemple non parce qu’il montre une amitié honteusement trahie mais parce que ce "tout petit" arrangement de la réalité montre que, pour lui, la fin justifie désormais n’importe quels moyens. Notons au passage qu’en définitive il sert aussi, en miroir, les intérêts de ceux qui assimilent critique de la politique de l’État israélien et antisémitisme. C’est une faillite morale incommensurable.

Bien sûr, d’autres aspects devraient être mis sur la table, par exemple : comment le Réseau Voltaire finance-t-il ses activités ? Quels sont les États qui le soutiennent, financent ses déplacements, ce site internet et ses traductions ? Quelles sont ses activités lucratives, portées par quelles structures ?

Comment fonctionnent les "théories" du complot ?

Gilles Alfonsi : Dans le cas du Réseau Voltaire comme dans le cas d’Alain Soral, c’est un bricolage rhétorique plus ou moins habile qui combine : une vraie intelligence des enjeux politiques, des éléments de "bon sens populaire" (par opportunisme, car il faut plaire à presque tous), des "hypothèses" présentées avec l'assurance qui sied aux démonstrations les plus scientifiques, mais aussi des tartes à la crème formulées avec toute l’austérité nécessaire pour être considérées comme d’audacieuses pensées (cf. l’encadré p. 3). Ainsi, il ne faut pas prendre ces démonstrations comme de simples imbécillités destinées à des gogos.

Cela me conduit à une remarque concernant l’analyse des faits de société. Quant on voit le clip réalisé par le gouvernement pour, dit-il, décourager les candidats séduits par le Djihad, entièrement assimilé à la "guerre sainte" alors que le Djihad a plusieurs définitions3 (dont beaucoup ne sont pas guerrières !), on se dit qu’il ne comprend pas que les discours extrémistes et les "théories du complot" sont parfois intelligentes, ou alors qu’il préfère faire semblant d’agir aux yeux du plus grand nombre plutôt qu’agir en profondeur. Sans parler du doute que l’on peut avoir sur l’utilisation d’images violentes pour… combattre la violence.

Si l’on veut aller plus loin dans la déconstruction des "théories du complot" , il faut considérer le fait qu’au total, ces manières de penser et de dire, y compris quand elles passent par de "l’humour", expriment une vision du monde et des rapports sociaux. L’une des raisons pour lesquelles ces récits marchent, même lorsque ce sont des histoires à dormir debout, c’est précisément qu’ils constituent des récits, ou si l’on veut des contes. Ils répondent à une demande de paroles et d’aventures dégagées des formes dominantes de médiatisation (pauvres, infantilisantes, manipulatrices), et cela en contrepoint à la crise des institutions et de la politique telle qu’elle est pratiquée généralement. Ainsi, le Réseau Voltaire et ses amis antisémites s’attachent à faire semblant de proposer à l’internaute de se rendre compte par lui-même, voire d’enquêter. Notons au passage que si on met de côté les mini-théories du complot - celles qui circulent spontanément sur le net de la part d’on ne sait qui, mais qui buzzent -, les Meyssan, Dieudonné ou Soral ne sont pas des nouveaux-nés de la politique mais des vieux routards de la parole. Ils ne sont pas des marginaux de toute éternité, mais au contraire, ils sont issus du sérail républicain, qu’ils haïssent faute d’y avoir été reconnus. De plus, ces marchants de complots ne sont pas ce qu’ils prétendent être : autonomes et libres. Thierry Meyssan est appointé par de grands médias de régimes liberticides, il est un instrument des États qui le soutiennent.

Ceci dit, les "théories" du complot ont d’énormes faiblesses. Quand on gratte un peu et qu’on va voir derrière telle ou telle affirmation, il y a beaucoup de vide, d’affirmations abracadabrantes, d’hypothèses injustifiées, qui devraient conduire à se demander toujours qui parle et avec quelles intentions. Et si le Net permet de faire circuler tout et n’importe quoi, il a aussi l’immense avantage de permettre à chacun de chercher, de se faire sa propre idée et d’aiguiser son esprit critique. Un autre aspect, c’est que beaucoup de citoyens aspirent à des rapports humains pacifiques, et non à une guerre de tous contre tous. Or, les théoriciens du complot sont des fauteurs de guerre, qui agissent en miroir des discours belliqueux des États, notamment des États-Unis. Un gros problème pour eux est que l’impasse de la guerre entre les cultures ou entre les civilisations est de plus en plus visible, et que nos sociétés expriment un immense besoin d’égalité et de fraternité, contre les politiques des États qui dominent. Et l’on peut ajouter que les "théories du complot" ont en commun leur silence sur la question centrale de l’égalité, pour une raison simple : elles n’ont rien à proposer pour l’avenir en la matière car elles n’existent qu’en désignant des bouc-émissaires, des ennemis. Dans le cas du Réseau Voltaire, on voit à quoi a pu mener l’indifférence originelle de son fondateur à l’égard de l’enjeu de l’égalité. À l’inverse, les partisans de l’émancipation que nous sommes, avec le Front de gauche, avec Ensemble, disposent avec leur exigence d’égalité d’une arme puissante face aux théoriciens du complot.

Enfin, les visions complotistes sont contradictoires avec les aspirations démocratiques. Elles offrent un terrain de jeu qui semble donner de la liberté, alors qu’en réalité elles ne laissent aucune place à une authentique confrontation d’idées, ni à une quelconque délibération collective. Les affrontements actuels entre soraliens et dieudonnistes le révèlent : les partisans des uns et des autres ne sont que des spectateurs, ils n’ont aucune voix au chapitre.

Le renforcement d’une éducation qui permette à chacun de penser par soi-même n’est peut-être pas un vaccin miracle contre la manipulation, mais il est un sérieux atout pour les partisans de l’émancipation. De même, le véritable antidote contre ces gens est l’existence d’une pensée alternative riche et pluraliste, qui ne dépende pas des principaux médias, ainsi que la richesse des expériences militantes, à condition que chacun veille à dépasser les clivages et débattre avec bienveillance. Il faudra désormais que ces questions de lutte pour la transparence et de démasquage des idéologies du complot fassent partie du combat politique.

Faut-il dialoguer avec les complotistes ?

Gilles Alfonsi : Cela dépend de quels adversaires on parle et dans quelles conditions. Il peut être intéressant de démasquer les impostures, les imposteurs, mais ne pas servir de faire valoir suppose d’être tout à fait explicite à cet égard. Il faut aussi faire le tri entre des adversaires avec lesquels le respect est possible et des ennemis, qui sont dans des logiques de haine.

* Entretien réalisé par Cerises

1. Un récit détaillé a été publié le 31 mars 2005 par le site amnistia.net, animé par Didier Daenincks. Lire ici le texte et ses annexes : http://www.cerisesenligne.fr/article/?id=4789

2. Th. Meyssan prend les internautes pour des poires lorsqu’il indique que Cl. Karnoouh n’a pas été élu administrateur du Réseau Voltaire lors de cette Assemblée générale. Son nom a d’ailleurs figuré de manière éphémère sur le site même de l’association comme administrateur, avant d’en être retiré puis que la "bonne" liste des nouveaux administrateurs soit déposée en préfecture.

3. Sur ce point, lire ici : http://fr.wikipedia.org/wiki/Djihad

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16 février 2016 2 16 /02 /février /2016 16:28

UNE PAROLE JUIVE CONTRE LE RACISME "

Une parole juive contre le racisme, UJFP, éditions Syllepse, mars, 2016.

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16 février 2016 2 16 /02 /février /2016 16:03

Marcel Gauchet : « Le fondamentalisme islamique est le signe paradoxal de la sortie du religieux »

LE MONDE | 21.11.2015 à 16h01 • Mis à jour le 26.11.2015 à 17h02 | Propos recueillis par Nicolas Truong (Propos recueillis par)

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Le philosophe et historien Marcel Gauchet revient sur les origines de la violence terroriste.

Comment penser les attaques du 13 novembre et ce déferlement de haine ?

Marcel Gauchet. Cette violence terroriste nous est spontanément impensable parce qu’elle n’entre pas dans nos grilles de lecture habituelles. Nous savons bien sûr que c’est au nom de l’islamisme que les tueurs agissent, mais notre idée de la religion est tellement éloignée de pareille conduite que nous ne prenons pas cette motivation au sérieux.

Nous allons tout de suite chercher des causes économiques et sociales. Or celles-ci jouent tout au plus un rôle de déclencheur.

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C’est bien à un phénomène religieux que nous avons affaire. Tant que nous ne regarderons pas ce fait en face, nous ne comprendrons pas ce qui nous arrive. Il nous demande de reconsidérer complètement ce que nous mettons sous le mot de religion et ce que représente le fondamentalisme religieux, en l’occurrence le fondamentalisme islamique.

Car, si le fondamentalisme touche toutes les traditions religieuses, il y a une forte spécificité et une virulence particulière du fondamentalisme islamique. Si le phénomène nous échappe, à nous Européens d’aujourd’hui, c’est que nous sommes sortis de cette religiosité fondamentale. Il nous faut en retrouver le sens.

Les réactivations fondamentalistes de l’islam sont-elles paradoxalement des soubresauts d’une sortie planétaire de la religion ?

Oui, il est possible de résumer les choses de cette façon. Il ne faut évidemment pas réduire la sortie de la religion à la croyance ou à la « décroyance » personnelle des individus. C’est un phénomène qui engage l’organisation la plus profonde des sociétés.

La religion a organisé la vie des sociétés et l’originalité moderne est d’échapper à cette organisation. Or, la sortie de cette organisation religieuse du monde se diffuse planétairement.

Si le fondamentalisme touche toutes les traditions religieuses, il y a une forte spécificité et une virulence particulière du fondamentalisme islamique

D’une certaine manière, on pourrait dire que c’est le sens dernier de la mondialisation. La mondialisation est une occidentalisation culturelle du globe sous l’aspect scientifique, technique et économique, mais ces aspects sont en fait des produits de la sortie occidentale de la religion. De sorte que leur diffusion impose à l’ensemble des sociétés une rupture avec l’organisation religieuse du monde.

On ne voit pas immédiatement le lien entre le mode de pensée économique et scientifique et la sortie de la religion, et pourtant il est direct. Aussi ne faut-il pas s’étonner que la pénétration de cette modernité soit vécue dans certains contextes comme une agression culturelle provoquant une réactivation virulente d’un fonds religieux en train de se désagréger, mais toujours suffisamment présent pour pouvoir être mobilisé. Mais attention, fondamentalisme n’est pas ipso facto synonyme de terrorisme. Ce sont deux choses qui peuvent fonctionner séparément.

Ne pourrait-on pas voir au contraire dans ce fondamentalisme musulman un réarmement du religieux ?

C’est une hypothèse que l’on peut parfaitement formuler. Elle me semble démentie par les faits. Les sociétés européennes sont à la pointe, pour des raisons historiques, de la sortie de la religion. Ce sont donc elles qui devraient le plus souffrir de ce manque. Or les Européens peuvent être tourmentés à titre personnel par des questions d’ordre spirituel et beaucoup le sont, mais cette recherche ne prend absolument pas la forme d’un mouvement politique. Bien au contraire.

Le spirituel dans les sociétés européennes relève typiquement de la part la plus intime des individus. Il les éloigne de la visée d’une action sur la société. Alors que le vrai fondamentalisme est un projet politique d’inspiration révolutionnaire. Le projet de remettre la religion au pouvoir dans la vie des sociétés, dans le cadre de l’islam, est aisément symbolisé par le retour de la charia, loi embrassant tous les aspects de la vie collective.

Le fondamentalisme est un projet radical de société et c’est là toute la différence. C’est pourquoi certains comparent le fondamentalisme à un totalitarisme, ce qui ne me paraît pas éclairant. La religion est autre chose que les idéologies totalitaires qu’on a pu voir à l’œuvre dans notre histoire.

Il ne faut « pas faire d’amalgame », ne cesse-t-on de répéter. Or ces actes perpétrés au cri d’« Allahou akbar » ont-ils tout de même à voir avec l’islam et le moment historique qu’il traverse ?

Evidemment. Pas d’amalgame signifie qu’il ne faut pas incriminer de façon indifférenciée l’islam et accuser tous les musulmans de participer à ce phénomène. Mais, dans l’autre sens, on ne peut pas dire que l’islam n’a rien à voir là-dedans.

Je répète que le fondamentalisme n’est pas propre à l’islam, il se manifeste dans toutes les traditions religieuses du monde, sous des formes plus ou moins activistes. Toutefois, on est bien obligé de constater que le fondamentalisme islamique est particulièrement prégnant et vigoureux. C’est là que le phénomène fondamentaliste a son expression la plus forte sur la planète aujourd’hui. Il faut donc s’interroger sur ce lien entre l’islam et ses expressions fondamentalistes. C’est quelque chose que l’on ne peut pas séparer de l’état des sociétés musulmanes et de leur situation particulière, notamment dans la région moyen-orientale.

Pourquoi l’islamisme prend-il cette forme si radicale aujourd’hui ?

Le premier point dont il faut se souvenir pour comprendre l’islamisme, c’est la proximité de l’islam avec nos propres traditions religieuses, juive et chrétienne. Vu d’Orient, du bouddhisme et du confucianisme, l’Occident est très exotique, il est très loin, ce sont deux mondes différents.

Vu de l’islam, il est religieusement proche, et la proximité est plus dangereuse que la distance. Dans la proximité, il y a de la rivalité et de la concurrence. Or le tronc monothéiste sur lequel se greffe l’islam le met dans une position très particulière. Il est le dernier venu des monothéismes et se pense comme la clôture de l’invention monothéiste. Il réfléchit les religions qui l’ont précédé et prétend mettre un terme à ce qu’a été le parcours de cette révélation. Cette proximité le met dans une situation spontanément agonistique vis-à-vis des religions d’Occident.

Le spirituel dans les sociétés européennes relève de la part la plus intime des individus. Il les éloigne de la visée d’une action sur la société. Alors que le vrai fondamentalisme est un projet politique d’inspiration révolutionnaire

Il existe un ressentiment dans la conscience musulmane par rapport à une situation qui lui est incompréhensible. La religion la meilleure est en même temps celle d’une population qui a été dominée par les Occidentaux à travers le colonialisme et qui le reste économiquement. Cette position ne colle pas avec la conscience religieuse que les musulmans ont de leur propre place dans cette histoire sacrée. Il y a une conflictualité spécifique de la relation entre l’islam et les religions occidentales.

Pourquoi ce fondamentalisme fascine-t-il tant une partie des jeunes des cités européennes paupérisées ?

Le message fondamentaliste prend un autre sens une fois recyclé dans la situation de nos jeunes de banlieues. Il entre en résonance avec les difficultés de l’acculturation de cette jeunesse immigrée à une culture individualiste en rupture totale avec ses repères, y compris communautaires, qui viennent de sa tradition religieuse. Une culture individualiste, qui à la fois fascine les plus ébranlés et leur fait horreur, et je pense que c’est le cœur du processus mental qui fabrique le djihadiste occidental.

C’est un converti, qui s’approprie la religion de l’extérieur et qui reste souvent très ignorant de la religion qu’il prétend s’approprier. Son aspiration par ce premier geste de rupture est de devenir un individu au sens occidental du mot, en commençant par ce geste fondateur qu’est la foi personnelle.

Marcel Gauchet

Marcel Gauchet est historien et philosophe, directeur d’études à l’École des hautes études en sciences sociales (EHESS), au Centre de recherches politiques Raymond-Aron, et rédacteur en chef de la revue Le Débat (Gallimard).

Il a notamment publié L’Avènement de la démocratie en trois volumes (tome I, « La Révolution moderne », tome II, « La Crise du libéralisme », Gallimard, 2007 ; tome III, « A l’épreuve des totalitarismes, 1914-1974 », Gallimard, 2010).

Auteur du Désenchantement du monde. Une histoire politique de la religion (Gallimard, 1985), il a également fait paraître Le Religieux et le Politique. Douze réponses de Marcel Gauchet (Desclée de Brouwer, 2010).

Dans une religion traditionnelle, la foi personnelle compte moins que les rites observés et ce ritualisme est essentiel dans l’islam coutumier. C’est avec ce cadre que brise l’adhésion intensément personnelle du fondamentaliste. En même temps, cette adhésion très individuelle est un moyen de se nier comme individu, puisque l’on va se mettre au service d’une cause pour laquelle on donne sa vie. Cette contradiction exprime une souffrance très particulière, liée à une situation sociale et historique très spécifique. C’est dans cette zone que se détermine la trajectoire de ces jeunes gens qui nous sont si incompréhensibles.

Dans ces quartiers si spécifiques du Xe et XIe arrondissements de Paris, il y avait deux jeunesses qui se faisaient face…

Oui, un premier individualisme parfaitement tranquille, sans questions et qui se vit dans une hypersocialisation, et un second qui est vécu par une jeunesse très contradictoire, à la fois très au fait de cette réalité et complètement déstabilisée par elle. Le choix des cibles est très peu politique, mais très révélateur de ce qui constitue l’enjeu existentiel de ces jeunes. Ils ont tiré sur ce qu’ils connaissent, sur ce à quoi ils aspirent tout en le refusant radicalement. Ils se détruisent de ne pas pouvoir assumer le désir qu’ils en ont.

C’est pour cette raison que vous écrivez que « le fondamentalisme est en dépit de tout et malgré lui une voie d’entrée à reculons dans la modernité » ?

Il ne constitue pas pour moi une menace capable de remettre en question la manière d’être de nos sociétés. Bien sûr, il peut tuer beaucoup de gens, faire des dégâts épouvantables et créer des situations atroces, mais il ne représente pas une alternative en mesure de nous submerger. Affrontons-le pour ce qu’il est, sans lui prêter une puissance qu’il n’a pas.

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16 février 2016 2 16 /02 /février /2016 10:46

Bâtir un projet communiste à usage immédiat

Le mouvement ouvrier sort d’une longue phase de défaites et de désagrégation. Les violents spasmes du capitalisme financiarisé redonnent à Marx sa force propulsive. Dans ce contexte, le PCF peut et doit saisir la société d’un projet communiste du XXIe siècle à même d’entrer en résonnance avec les besoins quotidiens et les aspirations profondes des Français.

Monde actuel : erreur 404

Les potentialités ouvertes par le mouvement des sciences et des technologies donnent à l’humanité les moyens d’entrer dans une époque nouvelle. Des matériaux innovants aux révolutions dans des domaines aussi différents que le numérique, l’alimentation, les transports ou la santé, nous avons désormais les moyens de faire reculer des frontières ancestrales. L’égalité homme-femme est à portée de main, les gains de productivité permettent d’envisager un raccourcissement de la durée du travail et donc un bond sans précédent de la culture et de la démocratie.

En même temps, le capitalisme, avec ses logiques du profit, vide ces progrès de leur sens, les retourne parfois jusqu’à les faire apparaître comme des malédictions. Guerres, terrorisme, drame des réfugiés, xénophobie, misère moderne, survivances moyenâgeuses (expulsions locatives, coupures d’eau), discriminations au travail (dont les premières victimes restent les femmes)… Pourquoi coexistent des progrès potentiels et partiellement réalisés avec ces régressions les plus atroces, les stagnations les plus décourageantes, les frustrations les plus mutilantes ?

2008 marque le début de la plus grande crise du capitalisme depuis celle de 1929. L’âge d’or néolibéral qui s’était ouvert avec les chocs pétroliers et la révolution conservatrice des années 1980 y a trouvé son terme. Le programme des libéraux, appliqué sans relâche (déréglementations, liquidation des protections sociales, financiarisation, transfert massif de richesse des couches populaires et moyennes vers l’oligarchie), a « brûlé sa part de rêve ». En même temps qu’il enrichissait une minorité à une vitesse inédite, il entraînait en Europe la régression des conditions de vie et de l’espérance de vie de larges pans de la population[1]. Élection après élection, les libéraux européens perdent leurs positions ou ont recours, pour s’y maintenir, aux pires expédients (coalitions entre conservateurs et « sociaux-démocrates », institutionnalisation de l’extrême droite, piétinement des parlements, etc.). Si les politiques de prédation et de déprédation atteignent sur le vieux continent un niveau de brutalité inédit, si l’élite financière cherche secours et appui auprès des néofascistes qu’elle gonfle à bloc, c’est en réalité parce qu’elle est acculée par la crise de son propre système d’enrichissement. Ce monde où 1% possèdent autant que les 99% restants de l’humanité, où 67 personnes possèdent autant que la moitié la plus pauvre du monde, fait chaque jour la démonstration de sa violence pour le plus grand nombre.

Entre deux krachs mondiaux du capitalisme, le PCF tient son 37e congrès. Que veut dire être communiste aujourd’hui ? Quel projet avons-nous à proposer à la société française et aux peuples européens ? Comment faire en sorte que le monde du travail et les quartiers populaires se saisissent à nouveau d’un projet communiste comme pivot émancipateur ? Nous sommes entrés dans une nouvelle période où le communisme à la fois reprend sens et peut faire l’objet de profondes innovations. Tout montre qu’une transformation du mode de production et de répartition des richesses est plus que jamais possible. Le PCF doit maintenant proposer un projet communiste concret, utile à tous et compréhensible par chacun, afin d’aider aux luttes quotidiennes et de tracer une perspective révolutionnaire.

1. La fin d’une longue errance : entrée dans l’âge deux du communisme

Depuis quarante ans, partout sur la planète et des milliers de fois, la mort du communisme a été « constatée », comme celle de Marx et des partis politiques s’en revendiquant. Aujourd’hui, les classes dominantes semblent avoir convaincu la grande majorité des nouvelles couches du salariat que le mot « communisme » n’était guère synonyme que de « goulag ». Ce mot fait peur. Il rebute jusqu’à certains partisans de l’idée (qui rivalisent d’euphémismes à lui substituer – « anticapitalisme », « gauche radicale », « éco-socialisme », lutte contre « la caste », allusion aux « communs », etc.). Pourtant, contradictoirement, le communisme et les mouvements du même nom semblent en revivification : dès avant 2008 et la crise mondiale d’un capitalisme aussi déchaîné que décrédibilisé, un intérêt nouveau et international pour Marx et les marxismes s’était fait jour. Des forces politiques se revendiquant au moins partiellement de lui ont connu des victoires locales (Amérique latine, Grèce, land de Thüringe…) ainsi qu’un rajeunissement militant. Nous sommes entrés dans le « deuxième âge du communisme », celui d’une revendication instruite par les expériences qui l’ont précédé.

Néolibéralisme : le passé d’une illusion

Et dans un retournement qu’affectionnerait Marx, les griefs qu’on adressait au « système communiste », au « bloc de l’Est » ou au « socialisme réel » sont désormais imputés partout au « modèle libéral », système autoritaire massivement décrédibilisé, sauf pour une étroite nomenklatura qui s’en nourrit. Enfermée dans des institutions de plus en plus contestées (gouvernements conservateurs et sociaux-libéraux, FMI, OMC, CE, BCE…), elle plaque aveuglément et dictatorialement un protocole uniforme de « recettes » sur des réalités nationales disparates. Ce « modèle » ne donne aucun autre résultat que l’appauvrissement des populations, l’enrichissement d’une infime minorité privilégiée et donc le creusement des inégalités. On prête à Bernie Sanders, candidat à la primaire démocrate, ce mot saisissant : « Tout ce qui nous effrayait du communisme — perdre nos maisons, nos épargnes et être forcé de travailler pour un salaire minable sans avoir de pouvoir politique — s’est réalisé par le capitalisme. » L’anthropologue David Graeber a montré quant à lui que le système néolibéral produit et fait vivre une gigantesque bureaucratie (juristes, arbitres, normes, paperasses), finalement largement plus étendue, coûteuse et étouffante que celle des anciens pays socialistes…

À cette perte de prestige du projet néolibéral se combine le discrédit de la social-démocratie (appelons social-démocratie cette gauche non-marxiste qui, en France, prit successivement les atours de la SFIO après 1920, de la « deuxième gauche » à la fin des années 1970 puis du « social-libéralisme » du PS d’aujourd’hui). L’espoir dont elle était porteuse, c’était celui de réformer le capitalisme, d’en corriger les excès, de le réorienter dans le sens du progrès. Un projet dont l’époque avère l’impossibilité. En effet, l’aggravation de la brutalité du capitalisme financier acculé par ses propres dysfonctionnements rend chaque jour plus manifeste la radicalité des mesures qu’il faudra lui opposer. La social-démocratie n’est pas morte comme pouvoir, elle fournit d’ailleurs souvent à la bourgeoisie des « réformes » plus directement favorables à son enrichissement que la droite elle-même (on a du reste trop prophétisé à tort la mort du communisme, et les communistes celle du capitalisme, pour renvoyer sans précaution des faire-part de décès). En France, elle dispose également toujours d’un solide électorat, notamment les nouvelles couches intellectuelles du salariat émergées des mutations de l’appareil productif. Le projet social-démocrate dans sa version néoconservatrice et autoritaire (omniprésent en Europe à l’exception notable du Labour de Jeremy Corbyn et du Portugal – dans la configuration d’un accord avec les communistes) est cependant dans l’impasse.

2. Face à l’austérité et aux krachs mondiaux, la pertinence neuve d’un projet communiste

Face à cette double décomposition des récits capitalistes et para-capitaliste, on assiste à une réactivation du projet communiste. Qu’est-ce qui autorise à penser qu’il s’agit de plus qu’un frémissement conjoncturel ? En premier lieu l’achèvement d’un grand marché mondial (anticipé par Marx) et d’un système-monde capitaliste dont l’échec est universellement constatable, produisant de nombreuses alternatives locales (services publics, coopératives, mutualisations, espaces de gratuité et d’entraide…) que le marché ne parvient pas à métaboliser. Si, en France, l’aspiration au changement est en éclipse dans une période surtout marquée par l’agitation de menaces dont il conviendrait de se protéger, elle est toutefois réelle : les attentats du 13 novembre l’ont montré à leur façon, touchant chacun au plus profond, suscitant l’expression d’un dégoût complet pour « ce monde » devenu fou. En mettant en lumière « l’immondice humaine », cette violence injuste a agi comme un révélateur de multiples autres violences quotidiennes finalement insupportables. L’indignation et le dégoût des Français pour un monde où de telles choses sont possibles ne sont-ils pas le signe qu’une ère nouvelle est en gestation ? Communisme, c’est en effet dire la nécessité « d’un changement total de la société » (Engels)…

Derrière cette ultraviolence, l’uberisation de la société liquide les protections sociales et jette les travailleurs les uns contre les autres pour le bénéfice de multinationales qui évacuent leurs profits via les paradis fiscaux. Les destructions d’emplois s’accélèrent, notre pays comptant désormais plus de cinq millions de chômeurs. La croissance et le plein emploi semblent définitivement appartenir au passé. L’entreprise comme collectif traverse une crise historique dont l’agressivité du Medef est le révélateur paradoxal : incapable d’embaucher malgré les milliards d’euros d’exonérations de cotisations patronales offerts par François Hollande, elle n’est plus un modèle intégrateur. Machine à précariser, elle échoue à demeurer le lieu où se construit l’identité positive des citoyens. A l’inverse, la pauvreté connait de nouveaux records. Pour la première fois depuis 1969, l’espérance de vie recule en France.

Face à ces marques de péremption du système capitaliste émergent des présupposés concrets qui autorisent la mise en place à grande échelle d’un projet communiste :

- concentration record de richesses confisquées dont la redistribution enrayerait famines, pauvreté et inégalités ;

- révolution informationnelle qui permet le partage de données, de savoirs et la mise en réseau des luttes à échelle du monde ;

- hausse considérable de la productivité, développement de la recherche et des technologies qui associent allongement possible de la durée de vie et réduction de celle passée au travail ;

- mise en valeur des « communs » et ébauche d’une économie « du partage » coopérative et collaborative…

Si notre diagnostic sur l’impasse de la société capitaliste, formulé de longue main, est désormais incontestable, peu nombreux sont ceux qui repèrent que c’est le programme communiste dans sa partie projective que les transformations du monde contemporain appellent à l’ordre du jour.

3. Communisme du 21e siècle

En Europe, la nouvelle génération des communistes n’a connu ni la guerre ni le « socialisme réel » et peut donc déployer un engagement de type nouveau, instruit du passé mais affirmatif et décomplexé. Quatre axes minimaux sont ici proposés pour une définition du communisme du XXIe siècle : la défense des producteurs dans la lutte des classes, le recours à la propriété publique comme outil d’égalité, la désaliénation individuelle et collective et enfin l’internationalisme.

- Qui défendons-nous ? Les mêmes qui décrétaient la mort de Marx n’ont cessé d’enterrer le prolétariat. En Europe, la désindustrialisation aurait entraîné la péremption de l’idée marxiste de classe ouvrière motrice des révolutions. Peu importe si, à l’échelle du monde, le nombre d’ouvriers continue de croître – effet de l’urbanisation de la paysannerie des pays émergeants. Cette constitution d’un prolétariat mondial valide pourtant largement les vues anticipatrices de Karl Marx, au rebours des espoirs toujours déçus des libéraux d’un effacement de la classe ouvrière. S’agissant de l’Europe et de la France, malgré la désindustrialisation et l’éclatement du groupe ouvrier, celui-ci reste d’importance majeure (environ un quart de la population active). Avec les employés et sans compter les cadres, les techniciens, ingénieurs et autres travailleurs solidaires de leur destin, ces catégories professionnelles représentent la majorité du salariat. Le communisme du XXIe siècle s’inscrit donc autant que celui d’hier dans les luttes innombrables des « producteurs » pour leurs conditions de travail et de rémunération, dans celles des chômeurs pour l’accès aux meilleurs droits et formations, et plus généralement dans les combats pour la défense et l’émancipation des classes populaires et donc du plus grand nombre. Sa tâche est de reconstruire des positions de classe de notre époque.

- Le communisme du deuxième âge porte la revendication de la réalisation concrète de l’égalité au travers de la propriété commune et donc de la démarchandisation (mise en commun des moyens de production et des richesses, renationalisations, détermination démocratique des fins de l’activité productive, développement de services publics, appropriation collective de ressources majeures comme l’eau). Il s’autorise de la conviction que rien ne fonde les disparités de richesse, et surtout pas le mérite personnel ou « républicain » (en réalité massivement réinscriptible dans des héritages familiaux). Il pose que le lucre ne peut pas être un moyen pertinent d’émulation de la créativité des individus. Il est inséparable d’une remise en question du consumérisme, du productivisme, de l’utilitarisme auquel on le renvoie parfois.

- Il pose également la nécessité que le temps de vie humain puisse être consacré à un travail existentiel de désaliénation (du rapport salarial par la « recréation du travail » et la « mise à l’endroit du rapport entre personne et chose », du fétichisme de la marchandise, mais aussi des déterminismes familiaux). Dans cette bataille pour l’égalité, un programme communiste s’attache de façon primordiale à l’accès aux savoirs et aux qualifications, de telle sorte qu’il y ait rapport de mutuel enrichissement entre la complexité cumulative des acquis sociaux et culturels et la singularité inépuisable des biographies individuelles. Cette prise de pouvoir par chacun sur sa propre vie doit correspondre à celle des peuples sur leur destin commun. Il s’agit de tourner le dos à la délégation de pouvoir qui favorise tribuns, hommes providentiels et chevaux de retour de l’État, au clientélisme au sens large, au traitement spectaculaire du politique par le complexe médiatique. L’enjeu est de donner le pouvoir à tous dans tous les domaines de la cité (les citoyens par une démocratie authentique, les producteurs décidant des projets économiques auxquels contribue la richesse qu’ils créent, etc.) : ce développement de la citoyenneté, permettant l’exercice de droits nouveaux, offre une alternative à la bipolarisation individualisme-mondialisation. De fait, un « gouvernement » ou un « régime » communiste serait un oxymore. Il ne peut s’agir que d’un « gouvernement du peuple, par le peuple, pour le peuple », d’un mouvement social de masse qui à chaque fois initie et relaie les actions d’un pouvoir non-séparé et collectif.

- L’internationalisme enfin (celui des travailleurs, celui de la solidarité entre les peuples), dévoyé par les libéraux en éloge de la mondialisation capitaliste, n’a jamais été plus nécessaire qu’aujourd’hui. L’existence de nations séparées, en butte à l’incontestable unicité de l’espèce humaine, a contradictoirement des aspects positifs et négatifs. Positive (et enrichissante) la coexistence de langues, de cultures, de traditions, de savoirs et d’élaborations propres à des peuples différents et en eux-mêmes divers, ainsi que leur interpénétration via les migrations et la mondialisation. Négative (et scandaleuse) la disparité des richesses entre nations, les guerres ethniques, religieuses et impérialistes, le pillage de l’Afrique, l’immense gâchis planétaire et millénaire de la non-coopération. Non, rien ne vaut si l’humanité n’avance pas dans le sens de la solidarité entre ses parties.

Ainsi, communisme est le nom de ces combats et de nombreux autres intriqués, féminisme, écologie, antiracisme, lutte contre les discriminations, qui ne lui sont pas réductibles. C’est en suivant ces quatre directions que notre projet pourra se déployer. A la veille de son 37e congrès, c’est la tâche du PCF, seul parti français à brandir dans son nom le mot « communisme », de saisir la société d’un programme communiste ainsi adapté à l’époque et aux aspirations du plus grand nombre.

4. Le PCF, meilleur outil pour promouvoir un communisme de nouvelle génération

Lors des dernières décennies, le PCF n’a pas cessé de changer, en des orientations diverses et contradictoires, s’affaiblissant, connaissant crises et « mutations », puis reprenant des forces et reconstruisant ses ambitions. Il est temps de prouver que le maintien acté du PCF dans sa forme ne relève pas seulement du respect de la « tradition » ou de l’héritage de ce grand parti qui a marqué l’histoire. C’est parce que « communisme » est bel et bien le projet concret que nous avons à proposer à la société, pour elle, avec elle, que nous nous disons communistes. Et toute notre tâche est de donner corps à ce projet d’un communisme du XXIe siècle, nécessairement irréductible à celui d’une simple « gauche radicale », « antilibérale » ou « écologiste ».

La tâche des communistes n’est évidemment pas de brandir des mots d’ordre révolutionnaires « d’une puérile invention », mais bien de permettre que ces axes de projet deviennent un ensemble de solutions concrètes saisissables par chacun quotidiennement. Le rôle du PCF est de trouver, à partir des présupposés positifs de dépassement du capitalisme, les points de connexion avec la société pour entrer en résonnance avec les aspirations profondes, individuelles et collectives, des Français au XXIe siècle. Ce que nous avons à bâtir est l’inverse d’une utopie, d’un projet « idéal » de très long terme, ou d’un modèle qu’il y aurait lieu de plaquer sur le réel une fois le pouvoir pris. Mais ce n’est pas non plus un simple catalogue de mesures d’urgence sans projet de transformation de grande ampleur du social et des hommes. Ce projet doit partir des besoins quotidiens des Français. Il doit être libellé dans le langage de la vie de tous les jours. Un langage décomplexé, qui ne cherche pas à estomper la radicalité des mesures qu'il faudra prendre mais au contraire qui sache dire la colère et les espoirs que les citoyens partagent.

Pierre Laurent a assigné au PCF, lors des universités d’été de 2015, l’objectif de « redevenir le grand parti des quartiers populaires et du monde du travail ». « La société française attend du neuf. Avec nous, elle en aura ! », affirmait-il en concluant son propos. Si nous avons pu nous enferrer parfois dans une certaine routine, il nous faut désormais à nouveau être porteurs d’innovations radicales, comme le PCF a su le faire dès sa création. Présenter des candidats collectifs, boycotter les élections, activer des réseaux massifs de solidarité concrète, initier de nouvelles formes de mobilisation collective, réinvestir l’espace public (occupation de places, d’entreprises, envahissements de plateaux télés) et les réseaux sociaux, développer le crowdfunding pour les caisses de grève ou des projets innovants… Les chantiers ne manquent pas, notamment pour que la révolution informationnelle produise ses effets jusque dans notre propre parti. Il y a urgence à saisir enfin l’enjeu d’un développement de notre présence sur les réseaux sociaux et à y inventer des formes neuves d’implication.

Ce que nous avons à bâtir, c’est un parti communiste « expert du quotidien », capable de faire levier sur les chantiers où nous sommes majoritaires jusque dans les profondeurs du pays : par exemple sur l’exigence d’augmenter les salaires, d’œuvrer à la paix ou de conquérir de nouvelles libertés.

[1] Il n’en est pas de même sur d’autres continents : « Autodestructeur dans ses berceaux historiques, il [le capitalisme] est encore expansif là où il fut principalement oppressif – c’est l’essor des BRICS –, ce qui ne peut cependant à terme plus ou moins court que mondialiser de façon originale l’exigence de mutation civilisationnelle » (L. Sève, « « La philosophie » ? », pp. 587-588)

Maxime Cochard

Secrétaire de la section PCF Paris Centre, membre du comité de rédaction de la Revue du projet, revue politique du PCF

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15 février 2016 1 15 /02 /février /2016 15:49

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15 février 2016 1 15 /02 /février /2016 15:42

SNCM : ultralibéralisme et scandale politico-financier SNCM : ultralibéralisme et scandale politico-financier

8 Février 2016

La guerre qui oppose depuis deux mois certains dirigeants du patronat insulaire s’agissant du contrôle de la desserte maritime de marchandises s’est déroulée jusqu’ici sous l’œil bien veillant du gouvernement et de la nouvelle majorité régionale qui, dans le contexte trouble, a vu l’opportunité de précipiter la création d’une compagnie régionale.

Les carences de la méthode affleurent aujourd’hui. Les vérifications n’ont pas été conduites pour s’assurer de la légalité entourant l’ouverture de la ligne Marseille Bastia par le consortium des patrons insulaires. A la question que nous posions le 6 janvier : Corsica Maritima est-elle respectueuse de la légalité en ouvrant cette ligne ? La réponse est non.

La clause de non concurrence acceptée en son temps par l’ensemble des candidats à la reprise de la SNCM, devant le Tribunal de commerce de Marseille (TC), n’a pas été respectée. Elle prévoyait expressément de préserver l’ex SNCM de toute concurrence déloyale durant les 6 premiers mois consécutifs à la cession.

L’OTC a donc validé l’ouverture de cette ligne et vraisemblablement signé une convention avec l’opérateur Corsica Maritima et le groupe Berrebi dans des conditions approximatives et à l’insu du Conseil d’administration de l’OTC.

Le constat laisse perplexe tant au regard du contrôle de légalité que de l’amnésie des signataires de cette clause de forme exécutoire. On voudrait liquider l’ex SNCM et ses 900 salariés qu’on ne s’y prendrait pas autrement. La CMN aussi ne sortira pas indemne de cet assaut de concurrence déloyale.

Ainsi le dogmatisme ultralibéral antiservice public pourrait accoucher, sous un scandale politico financier plus désastreux que la sulfureuse privatisation Villepin Sarkozy, d’un ultime plan social touchant les deux compagnies sous pavillon français premier registre.

Après quoi, certains réclameront que les syndicalistes de la SNCM soient trainés devant les tribunaux, comme ceux d’Air France et de Goodyear, où ils se verront reprocher d’avoir défendu leurs emplois et le service public contre le low cost et ses corollaires le non droit social et le recul de société.

Les administrateurs judiciaires doivent imposer le respect du jugement du TC et réclamer des sanctions à l’encontre de ceux qui l’ont bafoué. Enfin, le gouvernement, qui vantait les mérites d’une procédure de redressement garante de la pérennité de la nouvelle SNCM, doit sortir de son mutisme et y veiller pour stopper ce processus de destruction de la desserte de continuité territoriale.

Michel Stefani

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