MENACE SUR LE ECOLES PUBLIQUES RURALES
En adoptant la loi Carle, qui obligera les communes à financer les écoles privées hors de leur territoire, la majorité de droite a pris le risque de vider l’école publique rurale.
C’est Emmanuelle Mignon, l’une des principales conseillères de Nicolas Sarkozy, qui avait dévoilé le pot aux roses dès 2004, en se déclarant favorable à « une privatisation totale de l’Education nationale ».
La soumission du « marché »(sic) de l’éducation (estimé à plus de 1000 milliards de dollars) fidèle à la loi de la « concurrence libre et non faussée » est programmée par l’Accord général sur le commerce des services (AGCS), intégré depuis 1994 aux négociations de l’Organisation mondiale du commerce (OMC). Ensuite parce que l’adoption de la « loi Carle » par le Sénat en décembre 2008, puis par l’Assemblée nationale le 28 septembre, est un premier pas dans cette direction.
L’affirmation ne manquera pas de susciter des cris d’orfraie sur les branches où nichent les promoteurs de cette loi. Pour la droite, mais pas seulement, faut-il le préciser, il s’agit d’un « texte de compromis », permettant de résoudre le conflit né en 2004 d’un article ajouté à la loi de décentralisation par le sénateur (PS) Michel Charasse. Il obligeait les communes à financer la scolarité d’élèves résidant sur leur territoire, mais scolarisés dans des écoles privées d’autres communes, tout comme s’ils étaient accueillis dans des écoles publique.
Nombre de maires et de défenseurs de l’école publique ont justement jugé que les communes n’avaient pas à payer pour ce qui relève d’un choix personnel des familles - choix dont le coût global est estimé à 400 millions de francs par an. Résultat : fin 2008 - soit quatre ans plus tard, tout de même - le Sénat finissait par abroger l’article... et adoptait dans la foulée une loi rédigée par le sénateur (UMP) Jean-Claude Carle, destinée selon lui à apaiser le conflit en garantissant, selon son intitulé, « la parité de financement entre les écoles élémentaires publiques et privées sous contrat d’association ». De fait, le texte limite à quatre cas le financement de la scolarité privée par la commune de résidence : le manque de capacité d’accueil dans cette dernière (ou dans le regroupement pédagogique) ; les obligations professionnelles des parents, si la restauration scolaire et la garde des enfants ne sont pas assurés dans la commune de résidence (sans que l’école choisie doive pour autant les assurer !) ; l’inscription d’un membre de la fratrie dans un établissement de la commune d’accueil ; ou enfin des raisons médicales. Si l’une de ces conditions est remplie - sans que les parents aient à en justifier a priori, ni que le maire puisse s’y opposer - alors la commune de résidence est obligée de participer aux frais de scolarité, exactement comme si l’élève concerné « avait été scolarisé dans une des écoles publiques de la commune d’accueil », précise le texte.
Naturellement, le Secrétariat général à l’enseignement catholique salut la loi Carle comme « un bon compromis ». C’est pour les ennemis de la laïcité, le premier pas vers une forme de « chèque éducation » comme au Etats-Unis, modèle auquel on est prié de se référer Etats-Unis. Là-bas en effet, écoles publiques et privées sont directement en concurrence, et le choix des familles entraîne de facto le versement des subsides publics à l’école de leur choix. Ainsi de nombreux établissements publics se ghettoïsent ou disparaissent, tandis que le privé engrange de confortables bénéfices. Le verrou de la carte scolaire étant lui aussi en passe de sauter complètement, et là encore pas seulement à cause de la droite_on se souvient que S. Royal s’est prononcé pour sa disparition_ on peut imaginer que la menace « d’exode scolaire » est bien réelle.
Quand on ferme une classe alors qu’il manque seulement un ou deux élèves, quand on refuse d’en ouvrir même quand le besoin se fait pressant, et alors que le gouvernement s’apprêt à supprimer encore 16 000 postes dans l’Education nationale, la menace est bien réelle de voir de nombreuses familles, par contrainte ou par choix, déserter les écoles de leurs communes pour scolariser leurs enfants dans les chefs-lieux. Ce qui constituerait une sorte de coup de grâce pour l’école de proximité, et surtout pour l’école rurale.
On a dit que la droite n’était pas la seule à rêver de démanteler l’Education Nationale :
Le groupe socialiste au Sénat a déjà tenté d’instaurer la soi-disant « parité de financement » entre écoles publiques et privées sous contrat d’association.
Le principe de laïcité de l’enseignement n’et donc pas une lubie de laïcards bornés, puisque les écoles élémentaires privées sous contrat d’association sont principalement de confession catholique.
Sachant que les communes doivent déjà fournir des efforts considérables pour maintenir sur leur territoire des possibilités de scolarisation dans le public, on peut légitiment considérer que cela revient à piller de l’argent public pour le verser au privé.
NB : Jusqu’à maintenant, il n’était pas interdit à un maire de financer la scolarisation de certains élèves dans le privé ; mais il fallait l’accord du conseil municipal. Aujourd’hui, cette loi le rend obligatoire
U cursinu rossu