Mi-voilée sous une burqa, mi-sexy, elle dévoile ses jambes au festival L'Boulevard (et on sait pourquoi)
CULTURE - L'image est rapidement devenue virale et n'a pas fait que le tour du Maroc. En quelques heures, de nombreux sites d'information arabophones, dont la version arabe de l'agence de presse russe Sputnik, ont relayé cette image peu banale d'une femme voilée de la tête... aux cuisses, qui a fait son apparition au festival de musique L'Boulevard, à Casablanca. Affublée d'une burqa qui prend fin au-dessus des genoux, la jeune femme dévoile des jambes habillées d'une paire de collants noirs transparents, des jambes qui se dressent fièrement au-dessus de talons aiguilles d'une marque célèbre pour ses semelles rouges.
Déguisement? Provocation? L'apparition au festival de musique L'Boulevard de la mystérieuse créature a provoqué diverses réactions parmi les spectateurs présents, comme le rapportent plusieurs sites d'information et utilisateurs des réseaux sociaux, allant de personnes estimant qu'il s'agit là d'un choix personnel à respecter, à celles qui considèrent l'étrange accoutrement comme une forme de protestation politique pour dénoncer la réalité à laquelle sont confrontées les femmes musulmanes, en passant par ceux qui y voient une offense faite à l'islam et un mépris affiché au port du voile.
Certains internautes, plus aguerris et mieux informés, ont de leur côté fait remarquer que la jeune fille est en fait un personnage créé par le réalisateur, auteur et bédéiste Hicham Lasri. "Coupable!", répond au HuffPost Maroc le cinéaste, qui explique par ailleurs son projet sur sa page Facebook.
"La bêtise n'est jamais très loin"
Le réalisateur n'a pas choisi par hasard le lieu où mettre en scène la jeune femme. "Je connais 'khobz bladi', comme dirait ma mère". Je savais pertinemment qu'en venant au festival L'Boulevard un dimanche après-midi, les photographes seraient sur place et que l'image serait reprise partout. Et je savais très bien que les choses allaient partir en cacahuète dès la diffusion de cette photo", nous dit Hicham Lasri. "C'est pour ça que j'ai préféré mettre le holà sur Facebook, pour indiquer que c'est bien moi qui en suis à l'origine et dire au public d'attendre de voir le film", explique-t-il.
S'il se dit lucide quand au buzz créé, Hicham Lasri se dit toutefois "fatigué" par les réactions rapides de certains médias: "C'est assez désagréable de voir que certains sites arabophones et certaines personnes portent à tort et à travers l'accusation de l'insulte à l'image de l'islam. Mais il faut faire avec", tranche-t-il.
"La bêtise n'est jamais très loin, je joue avec ça depuis plus de deux ans, avec le fait de déconstruire la réflexion précipitée", continue Hicham Lasri. "Ça me fascine de voir aussi les gens qui vont confondre une vision artistique avec du blasphème, car c'est toujours plus facile que de dire des choses intelligentes." Quant à l'identité de la jeune femme en question, Hicham Lasri révèle simplement qu'elle est "étrangère".
La La "machiste" Land
Hicham Lasri était donc en tournage au festival L'Boulevard pour les besoins de son nouveau projet, une trilogie de comédies musicales. "Le concept de base de ces films est de parler de féminisme et de girl power, d'aborder le rapport homme-femme sous un prisme un peu punk et provocateur", explique-t-il.
Une réaction du réalisateur aux "discours lissés" qui ont suivi la diffusion de la fameuse vidéo montrant l'agression sexuelle d'une jeune femme dans un bus. "On réagit à ça puis on passe à autre chose et on revient à notre machisme de base parce que c'est la société qui impose ça", estime-t-il.
Les comédies musicales prendront le format de courts métrages destinés à être projetés dans des expositions ou des musées. Pour cette trilogie, le réalisateur annonce qu'il collaborera avec de nombreux artistes de la scène punk et rock marocaine.
Le premier court métrage, "Duel", aura pour bande sonore un titre du groupe Betweenatna. Le deuxième, baptisé "Burka", sera tourné en un plan séquence sur une musique de Lazywall. Le dernier, "Cro-Magnon", sera accompagné d'une chanson des Hoba Hoba Spirit.
"Le premier film est l'histoire d'une très belle femme, avec une féminité exacerbée à la Wonder Woman, qui se fait draguer dans la rue, revient sur ses pas et provoque en duel le garçon avec un "bitch slap" effectué à l'aide d'un gant de hammam", raconte Lasri. "Ça rappelle la lâcheté de ces garçons. À la fin, ça finit comme un vrai duel dans le style des western ou films de samouraï. Mais avec toujours beaucoup d'humour car cela fait passer beaucoup de messages et la provocation n'est jamais sèche", assure le cinéaste.
Si le réalisateur ne donne pas de précisions concernant le deuxième film, "Burka", il révèle cependant un court synopsis du troisième opus. "Le troisième va être plus drôle! On inverse le rapport Cro-magnon: c'est une femme qui traîne son mari ou son mec par les cheveux pour le ramener chez sa mère, une sorte de 'I ain't your mama' version marocaine". Preuve s'il en fallait que le féminisme peut aussi être une affaire